Damien Cadio — Galerie Eva Hober
Inédites, les huiles sur bois ou sur toile de Damien Cadio nagent entre grandeur et décadence. La galerie Eva Hober expose jusqu’au 10 mai à la fois petits et grands formats pour permettre au regard de se glisser dans un détail ou se fondre dans la masse. Une exposition délicate où le temps semble figé dans une grâce décatie.
Au fond de la galerie, face aux huiles sur bois de grands formats, le regard se prête au jeu de l’interprétation. Où sommes-nous ? Sans doute dans quelque chambre royale du Grand Siècle au mobilier grandiloquent. Mais qu’importe, du reste, la période illustrée, elle parle surtout du pouvoir qui y régna. Loin de faire rêver, ces toiles, inspirées de photographies réalisées par l’artiste, laissent naître une diffuse et indicible amertume. Règne dans ces tableaux de facture classique une distance douce amère qui signe la fin de la magnificence et de l’ostentation. Les fauteuils sont élimés, les tissus déchirés par endroits, les couleurs ternes comme les fleurs fanées qui croupissent dans une eau vieille comme le monde. Plus rien ici n’indique la jouissance et l’aisance. Si ces tableaux pouvaient gagner l’odorat, on y sentirait le renfermé des vieilles maisons abandonnées par quelque famille aristocrate désargentée. Triste fin de règne.
Le rideau de velours est à jamais tiré. Est-ce là une parabole de l’artiste contemporain désillusionné de voir l’art classique en partie mort et enterré ? Faut-il lire dans sa peinture un dernier hommage aux maîtres anciens ?
Il n’y a plus rien à voir à part le souvenir lointain d’une opulence engloutie.
Aux peintres du XIXème siècle auxquels il semble également se référer ? Ni Manet, ni Antoine van Dyck n’auraient en tout cas rougi de se voir placés sur une même ligne spirituelle que celle de Cadio (si l’on laisse à part la technique, radicalement différente dans la touche).
Le début du parcours, quant à lui, réduit la focale. On y trouvera de petits formats où les sujets nous plongent ailleurs. Dans une nuée de détails. Ici un verre, là un vase sur lesquels éclot une lumière aveuglante qui évoque le halo, l’instant précédant la mort (Le plus récent des morts, 2014). Cadio parle d’un temps révolu sans présager de ce qui adviendra. Il laisse le regard en suspens, comme s’il questionnait une histoire de l’art en marche qui aurait besoin de se retourner sur son passé pour ne point s’aveugler.