Exquisite Corpse à la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois
Avant d’y jouer en famille, le cadavre exquis fut pratiqué par les surréalistes, dans le Paris des années 20. A jeu collectif, exposition collective, la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois réunit une nébuleuse d’œuvres autour de ce thème. Une juste sélection, d’un goût évidemment exquis.
« Exquisite Corpse », Galerie G-P & N Vallois du 22 mars au 11 mai 2013. En savoir plus A l’exception des Cadavres exquis d’André Breton (dessins aux crayons de couleurs), qui nous renvoient très fidèlement à ce jeu tel qu’il était envisagé dans le protocole d’origine, les autres œuvres présentes n’en sont qu’une version élargie et ne répondent pas exactement à la définition énoncée rue du Château, haut lieu du surréalisme : « jeu qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu’aucune d’elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. » Le reste des œuvres, et cela est fort heureux, ne garde donc du cadavre exquis que les notions d’assemblage, de combinaison, de collage. C’est le cas de la fameuse œuvre de Niki de Saint Phalle Le Château de Gilles de Rais (1962), bas relief en plâtre qui grouille de bébés démembrés, de quilles et de patins à roulettes tout autant que d’effigies historiques offrant ainsi une mythologie composite.La merveille de ce parcours tient à la Poire des poils de Pauline Curnier Jardin, accompagnée d’une vidéo et d’un poème mis en musique.
Le jeune artiste contemporain Théo Mercier s’inscrit lui dans le thème en apposant des cartes de tarot pornographique sur des images de statues grecques. La Victoire de Samothrace est ainsi détournée par une éjaculation dans ce qu’on le devine être un anus. Son Noun shakou mi-concombre mi-bois répond quant à lui à la logique de l’exercice surréaliste en ce qu’il mêle et assemble deux matériaux. Ce n’est pas le plus intéressant du parcours quoique la vision d’un Apollon dont la tête est surmontée d’une femme en train de pratiquer une fellation ravive les sens autant qu’il amuse. Les photographies de jambes d’Hans Peter Feldmann, Legs , sont réjouissantes et rachètent de loin la paire de chaussures à talon dont la semelle est incrustée de punaises, assez décevante car trop illustrative. Une œuvre féministe pour montrer que la souffrance de la femme est grande tant la société lui en demande, soit. La merveille de ce parcours tient à la Poire des poils de Pauline Curnier Jardin, accompagnée d’une vidéo et d’un poème mis en musique. Somptueuse narration dont l’incohérence bienvenue rappelle sa pratique du « rapiècement narratif ». John Stezaker verse lui dans le classique mais l’assume parfaitement avec cinq collages maîtrisés, désuets à souhait.
Belle note finale que la sculpture de Vedovamazzei, A Crime is a Crime , (2008), en marbre blanc dont le visage brouillé et centrifugé à l’image d’une glace à l’italienne affiche un surréalisme authentique, presque émouvant. Cette tête qui n’en n’est plus une, est à l’image de cette exposition elle-même ; sans tête, sans queue mais menée d’un bout à l’autre avec un réel et honnête brio.