Claude Lévêque à la MEP
La Maison Européenne de la Photographie prend le parti d’exposer un non-photographe. Faut-il lire dans ce choix une rigueur de classification ou alors un moyen détourné pour nous convaincre du contraire ?
« Claude Lévêque n’est pas photographe » lira-t-on en préambule. Pour une institution qui depuis les années 80 milite pour la reconnaissance du médium comme art majeur, cela sonne sinon comme une prise de distance vis-à-vis de son tropisme originel, au moins comme une ouverture à un champ plus large de la discipline photographique.
« Claude Lévêque — Un instant de rêve », MEP, Maison européenne de la photographie du 17 avril au 16 juin 2013. En savoir plus L’exposition pourrait ainsi se résumer comme un hommage à une certaine pratique de la photographie, humaine et poétique, non technicienne. Et de loin en loin, passionnante. Non dans sa forme bien sûr, car Lévêque cadre à l’improviste pourrait-on dire, et compose sans profonde maîtrise. Mais par son esprit et l’homogénéité de son style.La banalité des sujets choisis, oscillant entre la passion pour l’inanimé d’un William Eggleston et l’amour de l’ordinaire d’un Martin Parr dessine un univers où l’émotion domine et immerge sans crier gare dans l’enfance.
Une glace est tombée sur le sol. Des frites grasses dorment au fond d’une assiette, un vélo en contre-jour est orphelin d’un enfant affairé hors champ.
Un hommage à une certaine pratique de la photographie, humaine et poétique, non technicienne.
Le monde de Lévêque est engourdi, comme nimbé d’une immense torpeur, atone et cotonneuse que le choix des teintes souvent pastels et l’absence de netteté des tirages vient encore renforcer. Sans humains, mais loin d’être déshumanisé, son réel a quelques liens de parenté avec l’amateurisme brillant du néo-réalisme qu’évoque sans doute ce clown pris de dos, perdu dans une fête foraine. Quelques sets de tables ou un pan de mur sur lequel a été dessiné Bambi dressent, dans un parcours que l’on quitte avec une nostalgie épineuse et la gorge serrée, le portrait d’une culture populaire, aimée et jamais détournée.
De photographies, il s’agit bien ici, plus convaincantes que ne laissaient entendre la présentation de la maison, et dépassant de loin le simple statut de carnets de notes, gages d’un travail artistique à venir. Car il est déjà bel et bien là, sous nos yeux.