Ron Mueck à la Fondation Cartier
Après l’accueil triomphal que lui avait réservé le public en 2005 à la Fondation Cartier, l’Australien Ron Mueck revient avec quelques sculptures inédites. Entre réalisme et hyperréalisme, ses figures humaines exacerbent fatigue de vivre et bonheur simple, détresse profonde et satisfaction immédiate. Elles semblent en vie et prêtes à s’animer.
« Ron Mueck », Fondation Cartier pour l’art contemporain du 16 avril au 27 octobre 2013. En savoir plus Dans la lignée de la sculpture figurative contemporaine hyperréaliste, Ron Mueck en a néanmoins bouleversé les codes. Car contrairement aux créations de Duane Hanson dont les figures de l’ american way of life se confondent avec de vraies humains dans les salles de musées, celles de Mueck apportent un résultat nouveau et inattendu en ce qu’il respecte les proportions tout en adoptant des dimensions faussées, semblant zoomer et dézoomer sur la nature humaine. Ici, un couple monumental abrité sous un parasol, plus loin deux petits adolescents à la taille d’une poupée. Mais ni le gigantisme ni le miniaturisme ne caractérisent le travail de ce sculpteur qui semble surtout intéressé par les effets d’échelle et l’envie de faire retrouver au public les impressions d’optique qu’il connaît déjà ; prendre l’avion et regarder la terre devenir de petits carrés verts et jaunes, s’endormir près d’un visage et trouver un nez difforme tellement il est proche de nos yeux.Voir de loin, voir de près… Serait-ce une métaphore du bon point de vue à adopter sur les hommes ? Refuser la vision et le point de vue unique, assurément. Unique, son vocabulaire l’est aussi. Il ne défigure pas la vieillesse, ne la montre pas dans une laideur difforme. Rides et traits de maturité burinent la peau mais jamais ne la ravagent. Grazia Quaroni, la commissaire parlera d’une « retenue et d’une absence de provocation ». En effet, Mueck ne choque pas. Ainsi en est-il également de cet homme au teint orangé sur son matelas pneumatique entièrement affairé à bronzer derrière ses lunettes de soleil. Nul sarcasme ne se dégage de cette sculpture, aucune moquerie n’affleure. L’homme vaque à ses occupations d’homme. Plus loin, le teint grisâtre d’un personnage à bord d’une barque semble mort et prêt à traverser le Fleuve des Enfers, sorte de version moderne de la Traversée du Styx dépeinte par Gustave Doré en 1861.
Au milieu du parcours, une immense tête, posée à l’horizontal est coupée en deux, laissant l’arrière du crâne vide. On ne peut s’empêcher de lire dans ce vide, la parabole d’une imagination débordante, libre et ouverte du créateur d’où s’échappent formes, petites et grandes, d’un rêve éveillé qui prendra corps et réalité.