Kubra Khademi, La fille et le dragon — Galerie Eric Mouchet
On connaissait Kubra Khademi célébrant la liberté, l’énergie et l’onirisme d’une sensualité fantastique, la voici narratrice de ses drames et témoin de ses émotions d’enfant, nous plongeant dans un fil au long cours, celui de sa propre vie.
À travers La fille et le dragon, l’artiste parvient à faire du cauchemar une histoire secrète du mal qui conjure sa tragédie. Dans un tourbillon d’invention et de détermination, elle en tire, à travers un dessin enlevé fusant dans ses cadres blancs comme des exclamations du passé, les forces de vie qui ne semblent jamais vouloir la quitter. Avec cette série presque industrielle (plus de 300 dessins), c’est une entreprise aux allures de performance que l’artiste présente sans jamais tomber dans la répétition.
Les cadres, les rythmes et les compositions se renouvellent sans cesse, ponctuées par des moments au souffle épique, d’une poésie irrésistible et d’un trouble sidérant. Le décalage et les raccourcis n’ont rien d’une atténuation ; au contraire, cette vie se dessine à hauteur d’enfant et à l’épreuve du courage infini d’une adulte bien décidée à en briser la fatalité. Pour mieux entraîner, à sa suite, le spectateur à se glisser au creux de cet horizon dont la force n’annule pas la fragilité.
En se réinventant constamment, son trait nous plonge dans un tourbillon de souvenirs dont les paraboles ne sont pas seulement des manières d’atténuer le propos. Elles l’intègrent dans une destinée plus globale qu’il nous appartient de contribuer à renvoyer vers la mythologie.