L’arbre de vie au Collège des Bernardins
Parler de l’humain et de son rapport à l’art à travers le symbole de l’arbre, tel est le parti pris ambitieux de cette exposition collective qui réunit au Collège des Bernardins des artistes reconnus sur la scène internationale mais aussi émergents. Au cœur du projet, un thème, celui de « l’arbre de vie » qui affirme dès la Genèse le triomphe de la vie sur la mort. Une exposition dont la sève réflexive est inépuisable et qui parvient en creux à montrer que l’art parle toujours de l’homme.
« L’arbre de vie — Exposition collective en deux temps », Collège des Bernardins du 15 février au 28 juillet 2013. En savoir plus Si cette exposition est nettement influencée par la théologie, la philosophie judéo-chrétienne, et qu’elle fait référence à certains passages de la Genèse, celle-ci reste de son temps, laïque et profondément artistique. Sont en effet présents pour honorer ce parallèle entre l’arbre et l’homme plus d’une vingtaine d’artistes parmi lesquels Ismaïl Bahri, Bruno Serralongue ou encore Michel Blazy.Le parcours, pensé en tous points, et en trois espaces, prend lui-même la forme d’un arbre. De ses racines, jusqu’à son feuillage, en passant par son tronc. De la sacristie plongée dans le noir et rappelant la terre où il prend vie, jusqu’au jardin du Collège des Bernardins qui se charge d’évoquer naturellement sa cime. Pour respecter ce sens, ce chemin où sont disposées les œuvres il a donc fallu virtuellement coucher cet arbre. Pourquoi le mettre à terre s’interrogera-t-on ? « Parce que la verticalité me fait peur, elle induit toujours une hiérarchie » répondra avec assurance le co-commissaire de l’exposition Alain Berland.
Il est ainsi question de la vie, de son essence, au cœur du vivant et de l’organique parfois, avec le travail d’Emilie Benoist qui reconstitue pour sa part une image statique et monolithique de la nature. Ou en tête à tête avec l’énigme de la vie à travers la bouleversante vidéo d’Ismaïl Bahri qui en déposant simplement une goutte d’eau sur le pouls de sa mère et, la filmant pendant une minute, fait défiler toute la fragilité et la précarité des mortels. Soixante secondes où passent en cadence l’instabilité et l’éphémère. Pour comprendre plus en profondeur le propos de l’exposition, il faut commencer par regarder attentivement l’œuvre-clé de voûte du parcours signée Jean-Claude Ruggirello qui s’est attaché à filmer un arbre déraciné, évoquant les quatre heures de vie qui circulent encore dans ses veines et dans son tronc après son déracinement. À l’image sans doute de la vie qui s’efface progressivement et quitte un corps. Et comme un écho lointain à l’amandier que peignit Monet juste avant sa disparition.
Plus loin, suivra l’idée de la précarité des hommes dans une dimension plus sociale et psychologique. Sociale, grâce aux photographies de Bruno Serralongue dont les abris ou cabanes prêtes à s’envoler rappellent l’inqualifiable dureté d’une existence passée dans le dénuement. Psychologique, à travers la création habitée proche de la transe de Jenny Bourassin qui tient beaucoup d’une primitive moderne, peignant la tempête comme un état intérieur, à la main et possédée. En contrepoint, ces tourments ou expressions tristes de l’humain sont contrebalancés par la gaieté toute colorée de l’œuvre de Didier Mencoboni, suspendue au plafond, comme tombée du ciel, par fortune. À la fin du parcours, preuve, en filigranes, que la vie gagne toujours sur la mort, le projet de Mathieu Mercier, Commissariat pour un arbre #3 , fleurit dans les jardins à travers de naïfs et amusants perchoirs pour oiseaux. Pas de place ici pour la « passion triste » de Spinoza pour qui la plainte triste renvoyait à l’impuissance. L’arbre de vie et les esprits créateurs qui l’habitent calment angoisses et questions humaines d’un souffle spirituel.