Bruno Munari, Sans titre, 1990
© Collection Matali Crasset et François Fichot — Photo : Fabrice Gousset
Le sentiment des choses au Plateau
2 - Bien
Critique
Critique
Le 16 janvier 2012 — Par Guillaume Benoit
« Le sentiment des choses », Frac île-de-france, le Plateau du 15 décembre 2011 au 26 février 2012.
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À contresens des écoles et des modes, le projet d’Élodie Royer et Yoann Gourmel assume jusque dans son titre cette approche inédite de l’histoire de l’art. En appeler sans détour au « sentiment » pour exposer l’art contemporain relève d’une audace qui n’a rien du simple effet d’annonce. Résolument tourné vers l’expérience du visiteur, vers la relation intime à l’objet d’art, jouant de la singularité de chaque regard, comme de la singularité de chaque œuvre, l’ambition de l’exposition
Le sentiment des choses se fait jour, déployant les possibilités de ses formes plutôt qu’une analyse didactique de la figure de Bruno Munari, difficilement saisissable. D’autant plus qu’elle est ici loin d’être récupérée et posée sur un piédestal comme une énième nouvelle icône de subversion comme l’art contemporain sait si bien en digérer. La démarche d’Élodie Royer et Yoann Gourmel vient précisément contrecarrer cette course à la nouvelle idole ; elle fait vivre son œuvre plutôt qu’elle ne fige cette figure de l’art. Et ses créations, ses inventions apparaissent d’autant plus saisissantes qu’elles sont
exposées sur un pied d’égalité avec tous les autres artistes qui parviennent à véritablement habiter l’espace du Plateau. La scénographie se fait alors très rapidement proposition artistique et partage intelligemment le ludique et le profond, jouant tout autant sur l’aspect humoristique que sur la capacité de l’espace à développer du sens. Art concret, fluxus, Mail art, les chemins de traverse de l’histoire de l’art sont à l’œuvre dans ce dialogue vivant entre artistes qui ne le sont pas tous et qui parvient, à travers une véritable économie de moyens, à devenir un moteur de déplacements, un moteur d’invention d’histoires qu’il reste à raconter. Le sentiment des choses laisse place au participatif, à la véritable interaction avec l’essence de l’exposition, celle-là même qui pousse l’objet hors de sa compréhension initiale, qui bouscule le code et l’attendu pour rappeler qu’une idée ne peut naître que de la rencontre ; celle de l’objet avec un nouvel environnement et, par extension, celle du visiteur avec cet environnement. C’est peut-être le secret du « sentiment » évoqué dans le titre, cette capacité qu’a la chose, pour peu qu’on ne la fige pas, de faire naître un rapport de compréhension, de rêve et, invariablement, un rapport de « bouleversement » du monde.