Martin Parr — Maison européenne de la photographie
Nouveau volet d’un programme vieux de plus de trente ans, Martin Parr a été invité par la MEP à livrer son interprétation de Paris. Loin de toute revendication programmatique, le photographe semble renouer ici avec une certaine légèreté de la tradition du reportage, de la photo volée comme témoignage d’un moment, tranche de vie qui s’affiche et s’offre au partage.
« Martin Parr — Paris », MEP, Maison européenne de la photographie du 26 mars au 25 mai 2014. En savoir plus C’est une question de perspectives, plus que de prisme, qui agite ce parcours bigarré, où les flous répondent au net et où les natures mortes font écho aux foules en mouvement. Tout se joue à travers des fenêtres, des ouvertures, des écrans intermédiaires ; smartphones, objectifs photographiques, viseur de fusil… À l’image de sa foule, qu’elle soit parisienne ou internationale, Paris est une ville connectée, où chaque écran se fait miroir de ce que l’on veut y voir. De fait, Martin Parr paraît s’amuser plus que dénoncer la pratique contemporaine d’un regard médiatisé par l’écran, en témoigne cette Mona Lisa cachée autant que démultipliée par les nombreux appareils qui la mitraillent.Flirtant avec la mise en scène symbolique, Martin Parr réussit un étrange pas de côté, une valse inattendue autour de son sujet pour y réintégrer légèreté et inattendu. Entre exercice imposé et déambulation d’un photographe hanté par ses propres images, le Paris de Martin Parr étonne ; à travers la ville, son décorum et son fantasme, c’est le reflet d’une croyance en un monde qui puisse être capturé par la photographie que l’artiste déjoue. Le Paris de Martin Parr trompe les codes de l’attendu et joue de la frustration cachant çà et là des éléments partagés par les initiés (ici tel monument, ici tel quartier, là encore tel galeriste…) sans révéler son intention. Toujours un coup d’avance, mais peut-être aussi une certaine amertume, un regard singulier qui révèle une ville plus visitée que regardée, un décor, face visible d’une mise en scène qui ne survit que par sans son envers.
En prenant à rebours le bon goût pour s’attarder sur le tourisme de masse, les dessous d’un glamour indécent, Martin Parr affirme une démarche décalée, au-delà de la dichotomie, qui donne un certain attrait et une complexité (ou à tout le moins une ambiguïté) bienvenue à cette exposition. Du défilé de mode au Louvre en passant par la FIAC, le prestige parisien est noyé sous l’ordinaire de ceux qui s’y confrontent. En opposant au pastel des murs la banalité de ce qui se voit « vraiment » à Paris, Martin Parr bascule radicalement du côté de l’instant. Et c’est certainement plus profond que ce que l’on peut croire. Ici, nulle vision, nulle thèse d’un Paris que le photographe souhaiterait révéler mais, en définitive, une certaine idée de la place du photographe d’aujourd’hui face à un sujet qui se voit constamment noyé sous les images, face à un monde qui multiplie les médiums de représentation et, partant, les médiations entre le réel et sa perception. La « documentation » de Martin Parr passe donc par le choix d’accorder une place essentielle non pas à ce qui serait caché mais proprement à ce qui se voit sans être regardé. Nuques, flous, silhouettes, communion, solitude, les instantanés font de ce Paris une aire polymorphe qui, avec le recul et face à l’accumulation, révèle ce qu’est fondamentalement le regard du photographe, une composition.