Maryam Jafri — Bétonsalon
Depuis 2009, Maryam Jafri développe un travail de recherche autour de la représentation des indépendances. Véritable lame de fond de l’histoire du XXe siècle, les transitions post-coloniales sont aussi, pour de nombreux pays, la première pièce d’une identité nationale moderne, dans un monde fait d’alliances et censé régir les relations internationales à l’aune de traités de non ingérence et de souveraineté des peuples.
« Maryam Jafri — Le jour d’après », Bétonsalon - Centre d'art et de recherche du 18 mars au 11 juillet 2015. En savoir plus Dans cette carte du monde redistribuée se manifestent ainsi une multitude de codes, d’emprunts et de symboles que l’artiste confronte, ouvrant le champ d’une recherche plus large, qui appelle les interventions de contributeurs extérieurs. C’est dans cet esprit que Bétonsalon organise Le jour d’après, plateforme de développement et d’échanges plus que traditionnelle exposition, chambre d’écho d’un projet passionnant qui touche tour à tour l’histoire des sociétés, de l’art et de la représentation.Concrètement, Maryam Jafri présente une composition de photographies réunissant par thèmes des événements historiquement et géographiquement éloignés prenant place en pleine déclaration d’indépendance. Face au mur d’images, difficile de ne pas constater une certaine forme de mimétisme, une continuité dans un symbolisme de l’émancipation. Car il s’agit, dans un monde qui découvre la puissance de l’image et de la communication médiatique, d’illustrer, au sens le plus littéral du terme, le changement de pouvoir, la fin de longues tutelles étrangères. Comment, en quelque sorte, représenter l’espoir et la libération. En cela, la mise en perspective opérée par Maryam Jafri laisse émerger un langage visuel de l’autorité et de son inscription dans un contexte festif ; une parade de la libération qui se doit d’inclure la société dans le mouvement de l’histoire et, bien plus encore, de tenter d’inclure l’histoire dans la vie de la société, assurant ainsi la légitimité d’un pouvoir dans un mouvement d’union nationale.
En mobilisant chercheurs, artistes, journalistes ou textes littéraires, Maryam Jafri fait de ce « jour d’après » le chantier d’une archéologie à venir. Accompagnée d’une somme de textes de l’artiste et d’un programme dense de conférences, l’exposition Le jour d’après montre toute l’étendue et la profondeur du travail de Maryam Jafri, repensant les liens entre art et représentation de l’histoire. Sa recherche, accidentée et paralysée par des embûches qui sont autant d’indices de compréhension de nations en « re-construction » (impossibilité de localiser des clichés de l’indépendance de la République du Vietnam, archives irakiennes présumées détruites lors de l’invasion de 2003, systèmes de classements complexes labyrinthique en Jordanie, etc.), témoigne surtout de la lourde tâche de celui qui veut comprendre, de ce passage aussi laborieux que nécessaire de l’événement à l’histoire, du récit imposé à la possibilité de s’approprier le fait.