Pier Paolo Calzolari — Galerie Kamel Mennour
La galerie Kamel Mennour présente au sein de ses deux espaces une exposition très réussie de l’artiste italien Pier Paolo Calzolari, Ensemble, qui mêle des pièces historiques et des œuvres récentes. Une plongée vivifiante au cœur d’une création poétique et sensible.
« Pier Paolo Calzolari — Ensemble », Galerie Kamel Mennour du 29 janvier au 5 mars 2016. En savoir plus Depuis la fin des années 60, Pier Paolo Calzolari agite la scène artistique de l’avant-garde. Figure de l’Arte Povera, il a toujours su garder sa liberté et développer un langage singulier dans l’agencement de matériaux hétéroclites dont il révèle la nature sensible. Avec l’exposition Ensemble, il propose un théâtre muet où se rencontrent passé et présent d’une création qui fait de chaque objet, chaque matériau employé, un élément de son lexique poétique. À travers l’enchevêtrement des matières et la coïncidence des formes, Pier Paolo Calzolari développe ainsi une géométrie complexe et contradictoire, laissant à chaque figure qu’il invente la possibilité d’affirmer sa singularité.Avec sobriété, Ensemble laisse respirer l’ensemble des œuvres présentées dans un parcours aéré où chacune d’entre elles impose une présence éthérée qui fait de la progression du spectateur une déambulation au cœur d’un décor en vie, dont on percevrait le souffle calme avant une activation à venir. En ce sens, l’artiste invente sa propre définition de l’interaction ; le visiteur, sans qu’il lui soit possible d’agir à proprement parler, devient l’acteur d’une scène qui semblait l’attendre.
Il est ici question de mécanismes simples, de continuité d’un monde dans l’absence d’acteurs. Ainsi s’ébroue la noix, traçant un cercle perpétuel par érosion, se meut, imperceptible, un givre généré en continu, lequel fait écho à la très belle composition inaugurale de l’exposition qui nous accueille à la lueur dansante de deux bougies. D’un art d’avant-garde, Pier Paolo Calzolari parvient à faire émerger des éléments de sens forts qui, sans les enfermer dans leur valeur symbolique, invitent bien plus à une expérience sensorielle à rebours. L’interaction et la compréhension de l’espace du visiteur se concentrent ainsi sur l’absence ; percevoir la danse de la glace sans en sentir le froid, les soubresauts aléatoires de la flamme sans s’y brûler, l’écoulement d’une fontaine sans s’y mouiller ou encore la force de gravité dans le lévitation fragile d’une robe en vol stationnaire, soutenue par des ballons gonflables.
Des installations simples et énigmatiques qui font de chaque objet la source d’une histoire possible à laquelle chacun, par défaut, se retrouve lié. Chaque élément devient un protagoniste de l’œuvre et, par sa position géographique, le visiteur s’en fait le témoin avant d’en devenir l’acteur. Metteur en scène d’une géométrie folle, Pier Paolo Calzolari met en valeur la forme complexe de la noix, de l’œuf ou du câble de laiton. Plus encore, il parvient à opérer un véritable retournement avec la pièce maîtresse de son exposition, cette robe dont les pans flottent dans les airs. Hommage à la forme, il la détourne de sa fonction pour en faire, une fois activée par la performance, ce qui révèle ce qu’elle doit cacher tout autant que ce qui cache ce qu’elle est censée mettre en valeur. La figure géométrique se fait alors humaine et dessine un monde des formes intimement lié à notre regard, à notre présence.
Ensemble affirme donc avec une grâce légère la constance d’un artiste qui continue d’inventer une poésie des matériaux et des formes qui parvient à faire de sa présence un espace d’accueil ouvert à l’être humain qui ne manque pas d’en interroger la place et la condition.