Prix de la Fondation d’entreprise Ricard 2019 — Le fil d’alerte
La Fondation d’entreprise Ricard présente jusqu’au 26 octobre Le fil d’alerte, exposition des artistes nommés au 21e Prix qu’elle décerne chaque année.
« Le fil d’alerte — 21ème Prix de la Fondation Ricard », Fondation d’entreprise Pernod Ricard du 10 septembre au 26 octobre 2019. En savoir plus En invitant Marcos Avila Forero, Eva Barto, Simon Boudvin, Corentin Canesson, Gaëlle Choisne, Kapwani Kiwanga, Paul Maheke, Estefania Penafiel Loaiza et Sarah Tritz, Le fil d’alerte fait la part belle à un art de la recherche, une création en prise directe avec les conditions de son éclosion.De ces propositions émerge une forme de modestie qui ne cache pas pour autant un manque d’ambition. Car derrière ces œuvres qui, pour la quasi-totalité d’entre elles, annulent tout effet spectaculaire, se trament des démarches profondes qui engagent un questionnement de notre rapport au monde. En cela, Le Fil d’alerte paraît presque jouer sur la possibilité de fragments de la pensée, faisant le pari du ressenti instantané de l’idée, de sa sensibilité directe qui laisserait sciemment son fonds théorique en arrière-plan. Un choix net évoqué par la commissaire qui décrit cette réunion comme la « photographie d’une pluralité de voix » ; un paradoxe fructueux et inspiré qui annonce d’emblée une recherche de sens qui passe par le trouble de la réception sensible.
Touchant à des thèmes très divers, comme un reflet kaléidoscopique des préoccupations de ces artistes nés entre 1978 et 1988, le parcours de l’exposition réussit, malgré les contraintes de l’exercice de la sélection, à offrir une progression et des échos intéressants où les pratiques se répondent, se contredisent et se complètent dans une mise en scène cohérente qui parvient à déceler dans toutes ses pratiques une certaine unité esthétique. Un travail d’équipe donc et un regard accueillant sur des démarches qui, bien évidemment, ne révèlent pas ici tout leur potentiel mais encouragent, par l’humilité de la scénographie et l’élégance du propos, à les fouiller plus avant. Comme un marqueur des commissariats de Claire Le Restif, qui dirige le Crédac d’Ivry, se découvre une forme d’économie à l’œuvre, où l’art se dessine à la pointe, par touches légères dans l’espace.
C’est peut-être le point le plus intéressant de ce regroupement assez fidèle aux enjeux qui émaillent la scène contemporaine. Avec discrétion et élégance, Le fil d’alerte met le doigt sur la tension générale d’une pratique qui, si elle s’éloigne des manifestes, des déclarations intempestives et programmatiques n’en invente pas moins sa propre méthodologie, où l’artiste, plus que jamais, semble faire de la porosité une stratégie d’invention, de mobilisation de l’attention des consciences.
De la sorte, ce « fil d’alerte » évite l’écueil de l’appropriation et de la catégorisation en gardant toujours vive une forme d’hybridation qui garantit la persistance de la différence dans toutes les créations qu’il relie.