Rafaël Carneiro à la galerie White Project
Carneiro fige le mouvement, propre au cinéma, pour en jeter une copie conforme sur la toile. De la toile, à la toile, en somme. Inversion des influences, et juste retour des choses, sans doute, du cinéma à la peinture. Car si les réalisateurs sont imprégnés de culture picturale, l’inverse est moins vrai. Godard, Wenders, ont souvent hésité entre les deux arts. Leurs films traduisent leur ambivalence et les références aux maîtres, Hopper parmi d’autres, pleuvent. On a, à cet égard, souvent dit que Visconti filmait avec un pinceau. Mais quel peintre s’inspira de plans séquences ou d’ambiances cinématographiques ? Marc Desgranchamps, l’a beaucoup fait. Et aujourd’hui Carneiro. D’une très puissante façon.
De ses toiles aux couleurs volontairement passées, presque ternes, se dégagent un penchant pour le rétro, une nostalgie où ses cow-boys hardeurs semblent coupés du monde, réfugiés dans une nature sauvage quasi mythologique. Carneiro semble avoir vu de ses propres yeux cette imagerie kitsch faite de chevaux fougueux et de chapeaux texans. À regarder ses huiles sur toile, il semble même avoir connu les personnages du film montrant une communauté hippie dénudée. Pourtant, il n’a rien vécu de tout cela, seules quelques scènes d’un film mis sur pause l’y auront plongé. Dépouillant la matière filmique et la restituant de son pinceau, sûr mais tremblant pour capter l’essence de ce que l’on appelle au cinéma une « freeze frame ». Visuellement, il doit beaucoup aux transpositions photographiques en peinture de Gerhard Richter. Leurs flous montrent une gémellité. Tout comme leurs « bavures » qui respectent si bien le mouvement.
S’il est évident que Rafaël Carneiro n’a besoin de personne d’autre que lui-même pour convaincre, ajoutons cependant que ses femmes, qui incarnent dans cette série des actrices pornographiques, renvoient à certains nus de Degas. Lui, renvoie surtout à sa passion pour la matière peinture, qui par le détour du cinéma revêt ici un aspect hautement désirable. Et cela est aussi vrai pour ses corps habillés.