Raphaëlle Peria — Galerie Papillon
Lauréate du prix Sciences-Po pour l’art contemporain, Raphaëlle Péria, née en 1989 présente à la galerie Papillon sa première exposition personnelle du 2 au 27 septembre. Intitulée Marinus Asiaticus, elle offre une large série de photographies qui mettent en avant sa technique aussi séduisante qu’efficace.
Des paysages du site antique d’Éphèse en Turquie qu’elle photographie, Raphaëlle Peria ne garde que les stigmates de l’humanité. À même l’image, elle vient déchirer avec une précision chirurgicale toute trace de la nature. Des verts et marrons organiques du spectre coloré de la végétation, l’artiste arase les nuances pour laisser émerger un blanc radical et unique qui, à travers des motifs parfois proches de la calligraphie, illumine ses compositions. Les perspectives complexes de panorama sont ainsi déjouées par cet arrachement qui, à la mesure de sa progression, invente sa propre profondeur. Les fragments déchirés, ces lambeaux de papier suspendus à l’image, donnent une épaisseur sculpturale à chacune des photographies présentées, leur conférant une aura de couleur et de matière, comme en apesanteur.
Éthérée comme un souvenir, de la fidélité de la retranscription photographique, l’image devient sous les instruments de recomposition de Raphaëlle Peria un paysage mental, une réalité augmentée par la perte. En négatif, elle s’approprie le monde pour en dessiner un nouvel ordre imaginaire qui se développe, en miroir, telle un rhizome qui sourde sous la pellicule de plastique et menace l’intégrité même de l’image. C’est alors la fixité temporelle de la photographie qui se voit menacée, l’œuvre, dans sa fragilité, semble le jouet des aléas du monde extérieur.
Ondes marines, courbes proches d’un alphabet imaginaire, les reliefs se muent en compositions prisonnières d’un étrange hiver qui laisserait advenir le silence de l’unicité d’un blanc pourtant chaque fois singulier. Car c’est bien dans le rapport de « retrait » que se révèle la force de ces tableaux qui mêlent conjuguent la suppression au trait supplémentaire, soulignant au scalpel des détails désormais disparus.
Percluse de cette poétique de la perte, Marinus Asiaticus se donne comme une collection foisonnante de souvenirs et d’oublis qui affirment la puissance aussi expressive que conceptuellement riche d’une jeune artiste qui a su inventer un sa propre écriture de la déconstruction.