Simulacres — Maison populaire, Montreuil
Premier volet d’un triptyque d’expositions, Simulacres , présentée à la Maison populaire de Montreuil, propose un parcours qui fait la part belle aux nouvelles technologies et questionne leur capacité à produire un monde. Répondant à la question fondamentale de la pérennité d’une telle construction, l’exposition s’engage dans des pistes hétéroclites pour en explorer les modalités. S’ils ne sont pas tangibles, ces mondes simulacres n’en sont pas moins expérimentables et agissent sur nos sens.
« Comment bâtir un univers qui ne s’effondre pas deux jours plus tard 1/3 : Simulacres », Maison populaire du 13 janvier au 26 mars 2016. En savoir plus Interactives, impressionnantes et immersives, les œuvres qui le jalonnent nous plongent dans une réalité parallèle où les repères, brouillés, sont autant de souvenirs qui éclairent l’appréhension de ces mondes inédits et ce malgré quelques choix discutables pour la cohérence du propos. Jeux vidéo, réalité augmentée, philosophie, musique, les domaines et médiums se confondent dans un va-et-vient stimulant qui repousse les frontières de la perception et en perturbent les attendus. Emblématiques de cette réflexion, les œuvres de Harun Farocki, Coll.eo et de Davey Wreden sont autant de preuves d’une opération effective de ces simulacres sur le monde, parvenant toutes deux à donner vie à une réalité alternative, en prise directe avec nos sentiments et nos corps.Ainsi la très belle vidéo du regretté Harun Farocki nous offre un voyage aux frontières des mondes dits ouverts de jeux vidéos en offrant une démonstration saisissante de la faculté des programmations à s’emparer des conceptions antiques de la création pour formaliser leurs propres terrains de jeu. Le duo Coll.eo rejoue lui une partition initiée dans les années 60 par l’artiste Vito Acconci qui s’attachait à suivre des passants dans la ville et en déclinait des rapports aussi surréalistes qu’ancrés dans le réel, mais en l’adaptant dans un monde alternatif, celui du jeu vidéo. Suivant à son tour des personnages aléatoires qui peuplent cette ville imaginaire, Coll.eo explore les patterns de construction numérique tout en transposant une démarche artistique largement répétée au cours du siècle dernier afin de brouiller le rôle du personnage virtuel, désobéissant à toute velléité narrative du jeu vidéo pour en faire un acteur de sa propre narration.
Enfin, le jeu vidéo de Davey Wreden nous plonge, lui, dans une multitude de saynètes reprenant les codes de jeux classiques pour offrir une immersion interactive face à un ordre littéralement imposé par la machine, rappelant à chacun sa propre condition de joué plus que de joueur face à tout logiciel programmé. Une expérience qui parvient pourtant à faire reproduire la genèse des sentiments et de l’empathie, nous incitant à penser un nouveau rapport entre une machine et notre corps, à tout le moins, notre capacité à nous le représenter.
Car, indiciblement, dans cet amoncellement de pixels, de structures constituées de polygones faits de codes informatiques de plus en plus complexes, un étrange sentiment de mélancolie éthérée semble accompagner nos découvertes. Mais ici, à l’inverse d’une artificialité plastique, se dessinent des artefacts virtuels qui apparaissent comme autant de champs du possible invitant à l’élaboration et au développement par le jeu, l’essai et, finalement, l’expérience.