Stephen Balkenhol — Le Portique, Le Havre
Une trentaine d’œuvres en bois du célèbre sculpteur allemand de 62 ans, qui a fait de la figure humaine le centre de son travail depuis les années 1980, occupent jusqu’au 29 septembre le centre d’art contemporain du Havre, offrant une vue d’ensemble de son travail depuis 2009.
« Stephan Balkenhol — dans le cadre d’Un été au Havre », Le Portique centre régional d'art contemporain du Havre du 29 juin au 29 septembre 2019. En savoir plus Au Portique, sur deux étages, des êtres a priori communs, ni timides, ni fiers, déconcertent par leur étrange simplicité. Regard vers un horizon inconnu, allure décontractée et neutre : on les a déjà croisés un jour, se dit-on. Un face-à-face inévitable s’instaure entre les visiteurs et les visités. Que font-ils ici, impassibles et tranquilles, figés dans le bois, que veulent-ils ? Ces figures humaines polychromes, hommes et femmes, semblent vierges, dénudées d’histoires. Attendent-elles que l’on projette sur elles nos propres récits ? Mains dans les poches ou bras le long du corps, elles sont prêtes à accueillir l’imaginaire, aptes à jouer la comédie. Même quand elles se déguisent (en grand Diable rouge et en petit Caniche à tête de femme) ou se dénudent (les Kouros bleus), rien n’y fait, elles restent mystérieuses.Nous les retrouvons parfois, au fil de l’exposition, sous d’autres formes (en bas-relief et gravures sur bois), mais là aussi, elles se jouent de nous. Au sol, un relief en accordéon laisse entrevoir, selon le point de vue, un corps tantôt masculin tantôt féminin, assemblé ou fragmenté. Même quand l’artiste s’aventure, quelques fois, à représenter la nature et le monde animal, une présence humaine semble s’immiscer. L’œuvre en deux dimensions Relief Lac donne à voir, par impression jet d’encre sur bois, un paysage de montagne au Canada. Au premier plan, le lac est recouvert d’une surface de peinture monochrome, comme une progressive emprise humaine sur la nature.
Ce qui trahit peut-être les énigmatiques personnages de Balkhenhol, ce sont leurs irrégularités. Craquelures, nervures et fentes du bois sont perceptibles, aussi bien sous les vêtements peints que sous la chair qui garde la teinte du bois. Muni d’un maillet et d’un ciseau, selon une technique ancestrale, le sculpteur taille directement dans le tronc d’arbre. Les silhouettes qui en émergent, droites et majestueuses, portent en elles les marques de leur création, comme un hommage aux gestes qui les ont fait naître. Une fois l’œuvre achevée, l’arbre ne se fait jamais oublier, servant d’ailleurs souvent de socle. À travers ces imperfections, ces êtres qui nous semblaient insignifiants deviennent soudain proches de nous. Le doute sur le sens de leur présence qui nous habitait au début interroge alors, par un effet de miroir, celui de notre propre présence, et de notre existence.
L’exposition, mettant à l’honneur un artiste internationalement reconnu qui vit en partie en Lorraine et pourtant peu montré en France, nourrit les questions que son œuvre continue de poser depuis près de quarante ans.
D’autres œuvres de l’artiste sont à découvrir au Havre (sur les façades Perret et à la Bibliothèque Oscar Niemeyer) dans le cadre de la nouvelle édition d’Un Été au Havre jusqu’au 22 septembre.