Thomas Huber — Centre culturel suisse
Le Centre culturel suisse accueille une exposition inédite de l’artiste Thomas Huber (né en 1955) qui explore depuis des années notre rapport à l’image et à la représentation.
« Thomas Huber — extase », CCS — Centre culturel suisse du 21 janvier au 2 avril 2017. En savoir plus Conceptuelle, surréaliste et profonde, la peinture de Thomas Huber a toujours fait de la question de la perspective et du regard des enjeux essentiels de son développement. Thomas Huber s’est en effet attaché à penser la relation au « regardeur » en proposant une peinture en abyme, constellée de très belles réussites où le motif géométrique se fait perspective esthétique à la manière de ses Theoretical Paintings (2010-2011). Un jeu de miroir de l’exposition avec son propre atelier s’est ainsi mis en place au fil des années, lequel s’exprime à travers les points de vue et lignes de fuite. Dès lors, l’artiste n’hésite pas à représenter les châssis de ses toiles retournées qui entravent le regard et évoquent, comme une tautologie, le « caché » de la création. Un jeu aux allures de piège qui se poursuit et s’émancipe avec Extase, exposition au sein de laquelle il renverse pourtant sa démarche.Réalisées in situ, les œuvres présentées ici déplacent ainsi la question de l’atelier de l’artiste pour faire du Centre culturel suisse non plus un simple lieu d’exposition mais le témoin direct du processus de création de la série en cours. Lui-même représenté dans ces images, il accueille en miroir des formes énigmatiques, des monticules ornés de vagins aux allures de pâtisseries érotiques. S’attaquant ainsi au « caché » quasi universel du corps féminin Thomas Huber dévoile dans la joie l’organe divin capable de répéter l’acte initial de la création pure. La gestation de la série sur place permet à chaque dessin de conserver l’intimité de son lieu de naissance, ce lien direct et immédiat avec son éclosion. Point d’atelier qui ne cache, l’œuvre demeure en sa place originelle et se donne tout entière, comme une évidence tangible malgré toute sa bizarrerie.
À travers une dizaine d’aquarelles, de dessins et de toiles, Thomas Huber érige en effet des totems qu’il dépouille de leur dimension phallique pour imaginer des allégories de la vie à travers le propre du féminin. Au centre de l’attention, le sexe dépasse sa valeur symbolique, sa charge tabou pour devenir motif d’une célébration esthétique surréaliste. Ainsi représentées au cœur d’un décor identique à celui que le visiteur pénètre, les toiles deviennent des miroirs d’une réalité alternative qui font exister, sous nos yeux et sans qu’un autre sens ne s’en empare, ces monuments du désir, de la chair en jouant sur la tautologie du symbole pour en faire un principe concret. Contre le sexe laid dénoncé par Freud, Thomas Huber en érige la beauté, offre une fête des volume avec des pyramides aux couleurs pastels qui se déploient vers le ciel ou s’enfoncent dans le sol en révélant le monde duquel elles naissent avec gourmandise. Textures rondes, liquides et magiques, elles offrent une variation des plaisirs obsessive et tangible, immédiatement assimilable par notre corps. Tel le magicien dans lequel il peut se reconnaître, Thomas Huber détourne l’attention de notre système de valeurs pour nous parler de chair, de notre corps dans ces espaces presque dépeuplés, pour nous mettre face au miroir d’un objet que l’on ne voit pas.
En s’attaquant ici à un motif paradoxalement peu présent dans son œuvre, le corps, pourtant largement étudié dans ses carnets de croquis comme en témoigne l’ouvrage paru en parallèle de l’exposition, Thomas Huber propose avec simplicité, insolence et délice une exposition piège dans laquelle il insère, à son insu, le visiteur. Obligé de partager cet imaginaire absurde et pourtant bien concret, ce dernier voit sourdement dévier le jeu sur l’espace en un « je » dans l’espace qui, à la manière de la réalité augmentée, le plonge dans un doute qui vient confirmer l’existence de cette forme imaginaire.