Thomas Lévy-Lasne — Les Églises, Chelles
Le Centre d’art Les Églises de Chelles accueille une exposition personnelle de l’artiste Thomas Lévy-Lasne, La fin du banal qui présente en son sein une sélection de peintures réalisées ces vingt dernières années. Un écrin somptueux pour une peinture aussi ambitieuse qu’humble dans ses sujets.
« Thomas Lévy-Lasne — La fin du banal », Les églises centre d'art de Chelles du 14 septembre au 17 novembre. En savoir plus La première salle de l’exposition, de par son accrochage fin et parfaitement rythmé, est une pure réussite, elle fait entrer le spectateur dans une confrontation directe avec la peinture tout en laissant vivre les volumes et la luminosité d’un espace qui s’en fait un reflet métaphorique ; aussi spectaculaire que dépouillé, aussi techniquement ambitieux qu’ouvertement accueillant. Une rencontre que l’on n’attendait pas forcément et qui marque à sa façon par son évidence.La fin du banal, derrière la multitude d’entrées qu’autorise un tel titre, renvoyant autant à la mise en crise du quotidien qu’au questionnement même de sa raison d’être, se dessine surtout l’occasion de savourer cette pratique directe, à rebours de toute célébration laborieuse de la technique. Elle la questionne même en dévoilant un travail colossal qui ne cache pas ses imperfections. Les volumes peuvent s’y déliter sous les contrastes marqués, les raccourcis ne plus se camoufler, les visages tirer vers l’illustration ; inégal et inégalable partagent un même allant, un courage de l’acte de peinture au risque de s’échouer.
Les toiles vivent dans l’espace, armées d’une même détermination, l’enjeu est de tenir le rythme, de se confronter tour à tour à l’humain, à l’approximatif, au détail et à l’intime. Au désastre comme à son aveuglement. Tout image y est sujet, tout résultat y est valide car c’est bien la pratique qui est au centre, fixant dans une temporalité rompue celle qui est déjà brisée, la nôtre. Car penser la « fin du banal » c’est admettre que tout fait crise, tout est grave.
Grave et important, sans être solennel et moraliste. À l’image des derniers projets de l’artiste qui, à travers sa dynamique personnelle et son investissement auprès de ses pairs (notamment l’orchestration de l’événement Le jour des peintres qui invitait il y a peu 80 peintres au cœur du musée d’Orsay) renseignent sur une urgence du faire, un éloge de la diversité des exécutions.
Des toiles immenses aux formats réduits, les durées et les manières s’entrechoquent ; les instantanés de soirées, les détails et artefacts deviennent des heures de travail méthodique et le familier se brosse à grands traits ou se mue en langueurs de vies partagées. Les moments d’intimité dialoguent avec les lieux publics, on parcourt le catalogue d’une vie comme au hasard de ses moments d’arrêt et d’attention. Mais dans la confrontation, dans leur dialogue se révèlent des tendances fortes d’un rapport à la composition d’images où les contrastes prennent le pas sur des sujets qui tranchent avec leur environnement.
Une évolution qui se lit dans l’accrochage, chronologique, de cette monographie qui articule un passage du vertige d’instants comme autant de drames en une banalité quotidienne devenue vestige, portant en elle la tragédie d’un monde en extinction.
L’absurde et l’ironie, qui auraient pu virer au cynisme symbolique, tiennent pourtant dans la globalité de ces travaux sur une plaisante ligne de crête et rendent compte, si ce n’est pas en riant, du moins avec un certain regard décalé, du désastre. La catastrophe est en cours, il sera toujours urgent et il est déjà salutaire de la matérialiser.