Variations épicènes — MABA, Nogent-sur-Marne
Comme chaque automne, la Maison d’Art Bernard Anthonioz consacre une exposition au graphisme. Cette année, Variations épicènes décrypte le travail de graphistes femmes tout en mettant en lumière ce métier peu connu du grand public.
« Variations épicènes », La MABA du 10 septembre au 15 décembre 2020. En savoir plus « Une bonne graphiste est-elle toujours une graphiste invisible ? » s’interroge Vanina Pinter, commissaire de l’exposition. Dans son livre Dispar(être), elle constate le faible nombre de grandes femmes graphistes malgré leur présence majoritaire sur les bancs des écoles de graphisme. À quoi pourrait alors ressembler une exposition collective de graphistes femmes aujourd’hui ? Loin de tenter l’aventure impossible d’un panorama exhaustif, la MABA soumet une réponse ouverte en présentant le travail de sept graphistes françaises : Margaret Gray, Catherine Guiral, Anette Lenz, Fanette Mellier, Marie Proyart, Susanna Shannon et Sylvia Tournerie. Pièce par pièce, chaque artiste a son espace propre. À la fois perméable et intime, tel un atelier ou un laboratoire, rien ne leur y fait de l’ombre. Leurs univers singuliers et l’éventail de leurs savoir-faire peuvent se déployer librement.Visiteurs et visiteuses sont invité.e.s à se faufiler dans les coulisses de leurs projets. Nous pouvons par exemple suivre l’évolution artistique, de 2013 à 2020, des affiches et brochures d’Anette Lenz pour Le Phare (centre chorégraphique du Havre) et plus loin, feuilleter les différentes propositions de unes faites dans l’immédiate actualité d’événements par Susanna Shannon pour Libération en 2012. L’exposition ne se contente pas de montrer un résultat final mais décompose les méthodes de travail et les étapes d’un processus créatif. Dévoiler ainsi une partie de l’envers du décor est une manière de rendre compte de la réalité de ce métier. Et pour cause, l’équipe en charge du commissariat de l’exposition maîtrise le sujet : Vanina Pinter, ancienne journaliste et rédactrice en chef de la revue Étapes, enseigne l’histoire et la théorie du design graphique à l’École supérieure d’art et de design du Havre. Julie Rousset et Audrey Templier, qui l’ont accompagnée, forment un duo de graphistes.
Le regard de ces femmes, sensible et documenté, nous rappelle aussi que le design graphique est omniprésent dans l’espace public. En témoignent les courtes séquences animées de Sylvia Tournerie pour Arte, l’identité graphique du site internet de l’association AWARE élaborée par Lisa Sturacci ou encore les nombreux livres qui occupent une place importante au fil du parcours. Parce qu’un.e graphiste invente une écriture, un langage et un vocabulaire, il ou elle est en mesure non seulement d’entrer en résonnance avec la société, mais aussi de participer à sa transformation. L’objet graphique, se disséminant dans nos pratiques sociales, peut être porteur de lutte et de solidarité au cœur d’un système trop uniforme. Dès lors nous comprenons mieux les liens entre graphisme et féminisme que l’exposition distille subtilement, comme un habile et paisible appel à résister.
Par un travail rigoureux de documentation et de réflexion, l’exposition Variations épicènes marque le début d’une suite possible. Il y aurait encore tant d’autres réponses à explorer, d’autres hors-champs à découvrir et d’autres voix à faire porter.