Vincent Hawkins, Planet & Satellites — L’ahah
L’Ahah accueille, du 21 janvier au 25 mars, une exposition d’envergure de Vincent Hawkins. Si, lors de sa précédente exposition à l’Ahah, Hawkins engageait le regard du spectateur et sa position dans l’espace avec des œuvres en trois dimensions qui faisaient du lieu même la toile d’une œuvre monumentale, le parcours se veut, avec Planet & Satellites, plus frontal et affirmé sans être pour autant plus didactique.
Exposition : « Vincent Hawkins — Planet and Satellites » du 21 janvier au 25 mars 2023. En savoir plus Avec cette sélection d’œuvres peintes, il décline sur différents supports les enjeux d’une peinture qui s’empare du monde autant qu’elle en réinvente le reflet. S’appuyant sur les anfractuosités de la matière, sur les volumes subtils de la couleur appliquée en fonction de leurs réceptacles, il répète et altère les reliefs de ses sujets pour élaborer une imagerie qui, ancrée dans l’abstraction, révèle peu à peu sa nature imitative et dessine une exposition qui conjugue les spécificités d’un espace entre white cube et espace intérieur chaleureux. Chaque élément, documentation papier, tableaux emballés en réserve, ombre portée sur les murs, prend part à la mise en scène générale des lignes, à la rectitude fragile ou subtilement chancelantes. À l’image en réalité du titre de l’exposition, Planet & Satellites, qui promet la possibilité d’un système ordonné, d’un centre de gravité autour duquel se déploient forces et êtres mais évoque aussi ce qu’on ne voit pas. Cette dépendance des corps qui se greffent et qui, pour peu nécessaires qu’ils sont, deviennent part de l’identité de leur centre d’attraction.Montagnes, grottes et pierres émergent ainsi progressivement d’un ensemble qui unit au fil du parcours le silence de la méditation et l’immixtion de la nature en son sein. Insidieusement, les amas de couleurs révèlent une possible vraisemblance, un jeu profond de reflets imitant les dynamiques de lumière que l’artiste souligne ou efface en y appliquant différentes couches ou en pliant son support alentour. Autant de stratégies qui, bien que différentes, participent ensemble à élaborer la singularité absolue de ce travail dont la légèreté du support reflète la mobilité du regard. Si sa peinture est grave, si la montagne charrie avec elle une symbolique multiséculaire aux multiples accents dans l’histoire de la peinture, elle est aussi un accès immédiat à la représentation, un sujet élémentaire de l’apprentissage du geste de peindre.
De l’origine du monde avec ses racines dans le système tectonique de la planète à l’origine de la représentation avec ce symbole absolu de la différenciation dans le paysage, la montagne, ainsi déclinée, s’apparente à un terrain de jeu expérimental qui autorise toute liberté. Une liberté qui se révèle dans le pli, dans la torsion et contraction de la matière, piégeant en son sein la lumière tout en condensant sa structure pour lui donner plus de poids. Par le retrait, par l’épure, Hawkins soustrait à sa représentation la ligne claire pour suggérer des intensités de matières plus qu’une lecture du volume. En ce sens, une dimension spirituelle émerge ; mais pas forcément là où l’on « croit ». La multitude de mentions religieuses, à rebours du titre pourtant bien rationnel et évoquant le fait astronomique difficilement compatible avec le christianisme essentiel, sert d’amorce plus que de finalité.
D’un tropisme pictural pré et Renaissance (d’un Giotto par exemple qu’il admire) ou des sphynx de Mésopotamie dont s’inspirent ses pliages, dévie une forme de méditation sensible et sagace où l’expérience de l’accrochage des œuvres, le rythme que leur format impose et les vacances qui les séparent illustrent un silence méditatif ouvert à l’interprétation.
Un recueillement sans objet qui traduit ainsi, à travers l’expérience picturale et l’immersion qu’offre ce parcours Planet & Satellites à l’ahah, bien plus une posture au monde qu’une dévotion à ses idées.