Wilfrid Almendra — Les Églises de Chelles
D’une église, pourquoi ne pas faire une serre ? La belle audace de Wilfrid Almendra sévit une fois de plus au cœur du centre d’art des Églises de Chelles, imposant par son voilement la présence organique de la nature au sein d’un bâtiment fondé sur le religieux.
« Wilfrid Almendra — Between the Tree and Seeing it », Les églises centre d'art de Chelles du 23 mars au 11 mai 2014. En savoir plus À cette chapelle dépouillée de ses apparats catholiques, dont les parois intérieures, cimentées et lisses, ont aboli toute référence à la spiritualité, répond ainsi une première installation dont la sobriété n’efface pas la force. Sobriété, voire pudeur si l’on considère la quasi-impossibilité de la voir dans sa totalité, l’enfermement de ces fleurs et plantes au sein d’une serre dont les parois de verre, abîmées par la patine du temps, laissent deviner l’agencement des plantes, leur organisation intérieure, pareille à uns société dont on ne pourrait imaginer la finalité. Pourtant, en tournant autour de cette structure imposante, en y cherchant un moyen de percevoir l’intérieur émerge sa vérité première : Between the Tree and Seeing It est une œuvre d’art, sa force esthétique s’impose à mesure que l’on s’en éloigne. À quelques pas, elle révèle une composition teintée d’impressionnisme, tableau vivant laissant entrevoir des motifs, des couleurs derrière des plaques dont les joints dessinent une grille, un cadre de lecture à l’efficacité sauvage. Cette serre, basée sur le modèle d’un jardin ouvrier, cache autant qu’elle révèle ses histoires, offrant une vie nouvelle à une projection sociale.La seconde salle, elle, fait appel à une somme d’expériences plus secrètes avec la mise en espace de deux pièces ; un poste de radio diffuse des poèmes en portugais écrits par un ami de l’artiste et émis depuis le centre d’art lui-même. On y parle de l’habitat, des maisons, de construction autant que de la résistance d’une végétation indomptée, avec un humour acide on y évoque ces structures de béton qui émergent du sol aussi vite qu’elles sont désertées. Sous un faux-plafond, coupant l’horizon et ramenant à échelle domestique l’espace imposant de l’église, une table de bois soutient un bloc de cuivre, résultat d’une fonte artisanale de restes d’une maison abandonnée. De tout son poids, il semble peser sur les veines organiques de la table, abandonnant toute ambition esthétique, symbolique pour concentrer la possibilité d’expérience sur cette pesanteur qui se devine.
Une fois encore, Wilfrid Almendra développe sa tentative de penser la possibilité d’une mémoire, une expérience par la présence de l’objet, bien plus que par sa symbolique ou son intelligibilité. Par là, c’est la chose même qui se pare d’une nécessité. Irréductibles à leur histoire autant qu’à leur utilisation par l’artiste, les objets de Wilfrid Almendra ont une vie propre, une somme d’expériences secrètes qui ne se découvre que par notre relation à eux, par l’implication du visiteur et son inclination, plutôt qu’apprendre ou comprendre, à réellement « faire connaissance » avec eux.