Yoon Ji-Eun — Galerie Maria Lund
Yoon Ji-Eun crée des images où les horizons se chevauchent et les perspectives s’enchâssent sans perdre une certaine logique, surréelle, de construction. Une démarche qui trouve son point d’orgue autant que les biais de son évolution dans l’exposition présentée cet automne à la galerie Maria Lund.
« Yoon Ji-Eun — Voyager vers l’inaccompli — Travel towards the unfinished », Galerie Maria Lund du 16 septembre au 31 octobre 2021. En savoir plus Chaque plan de cette artiste née 1982 devient motif pour composer des béances où le vertige se joue parfois à l’inclinaison légèrement trop prononcée, à l’angle subtilement accidenté dont le déséquilibre bouleverse en silence les repères. Les falaises s’enfoncent sous la surface, les brèches déchirent un ciel qui se distord. Dans cet univers, les éléments architecturaux affolent à leur tour la géométrie, alignant des fragments de pierre, des poutres impossibles en lévitation au-dessus d’un sol qui a déjà fui l’image. La pesanteur, l’ordre gravitationnel et notre appartenance au monde sont ici hors-champ, balayés par l’invention cosmique d’une peinture qui se rattache pourtant, en dernier lieu, à des formes plus familières. Car dans cette recomposition du monde, il apparait que l’ensemble veuille désigner autre chose, un minéral, une formation géologique qui, en s’en détournant, nous ramène plus profondément à la terre.S’interrogeant sur la notion de fragment en en révélant la dualité (indices de délitement ou au contraire de reconstruction à venir), Yoon Ji-Eun semble elle-même penser par éclatement, épuisant dans sa perspective plastique des possibilités héritées de multiples cultures.
De Matisse à Dali en passant par Ernst, de l’origami au constructivisme, d’influences africaines au minimalisme conceptuel en passant par la statuaire antique, son œuvre s’émancipe de tout déterminisme pour affirmer, dans la rencontre des formes, des couleurs et son décalage constant entre flou et netteté, une préciosité qui dessine un chemin subtil dans un imaginaire en devenir qui n’en oublie pas le plaisir de la main. La dynamique se prolonge dans l’espace avec des mobiles qui ajoutent mouvements et lignes de fuites dans ces paysages vibrants.
Les décisions de l’aquarelle participent en effet à la vie de cette série présentée à la galerie Maria Lund traçant une ligne nouvelle dans l’histoire des représentations qui, à son tour, parait suspendue et inachevée, prête à accueillir d’autres possibles. Plus aérienne et éthérée que jamais, sa peinture embrasse définitivement, avec ces dernières pièces, l’indécision formelle d’un monde dont elle retranscrit le rythme, fugace et instable, plutôt que l’illusion de son reflet.
C’est peut-être alors le secret de ce Voyage vers l’inaccompli, qui trahit surtout un plaisir de manier formes et couleurs, dessins et collages (par la multitude d’aplats) dans des compositions qui s’écrivent à la faveur des éléments.