Annette Messager — Galerie Marian Goodman
La galerie Marian Goodman présente une exposition exceptionnelle et inédite d’Annette Messager qui met en scène des créatures aussi familières qu’inquiétantes.
« Il y a deux types de personnes qui regardent mon travail », disait l’artiste en 2009. « Ceux qui le trouvent amusant, drôle, et ceux qui le trouvent morbide, triste. Je pense qu’il est tout cela à la fois. » Les Sleeping Songs tiennent de cette ambivalence.
Annette Messager — Sleeping Songs @ Marian Goodman Gallery from May 24 to July 19, 2019. Learn more Dans cette exposition personnelle, Annette Messager mêle le jeu au cauchemar avec des codes qui font surgir l’enfant, celui qui loge dans notre inconscient, cette matière à rêve. Celui qui démembre ses poupons, désarticule ses pantins. L’innocent. Le prêt à naître. Celui qui réclame l’attention, les premiers soins, la chaleur d’un édredon, la caresse d’une main aimante. Celui qui a peur. Celui qui veut une histoire, ou une chanson, avant de s’endormir.L’exposition commence par une série d’installations colorées accrochées au mur. Annette Messager s’est emparée de duvets, couettes, sacs de couchage, doudounes à capuche pour travailler leur matière molle et enveloppante. De nouvelles formes en surgissent, au corps absent. Il est rappelé par le jaillissement de mains noires et dures qui racontent autant d’histoires. Elles se tendent, se cherchent, se cachent, se saluent, se réjouissent, se touchent. Les scenarii possibles révèlent la polysémie plastique du matériau recomposé, rendu narratif. Amour, sexualité, sommeil, confort, inconfort, solitude, isolement, rêve. Les installations se font vulve, animaux, cœur, insectes, visages, scènes liturgiques, alternant avec humour et/ou inquiétude les figures cauchemardesques et apaisées. Des objets familiers rendus au nomadisme du sens.
L’exposition se poursuit par deux installations plus sombres. La première revisite Le Massacre des Innocents, de Nicolas Poussin. Les mots « Innocents » et « Help » sortent des filets d’un pantin désarticulé, abattu. L’écriture est suspendue au mur, comme si les mots étaient plus forts que les hommes. Comme si les mots étaient des armes à retardement, capables de traverser les mémoires davantage que les corps, fragmentés, démembrés. En face, trois pantins, pendus, dégueulent un rouleau de papier toilette. Est-ce un jeu ? Qu’est-ce qui est sérieux ? Avec cette œuvre aussi espiègle que tragique, l’artiste rappelle que la dignité de l’homme dépend parfois — et avant tout — de sa capacité à pouvoir se nettoyer.
Le visiteur est ensuite plongé dans le noir profond. Un sas qui le mènera à une troisième partie, Perdu dans les limbes. C’est la première œuvre vidéo de l’artiste. Maternité, féminité, continuité. Un ventre et une poitrine arrondis surgissent du mur. La main revient mais elle se fait ici caressante. Sur le mur opposé, une longue chevelure vole au vent silencieux, dansant dans la brise. Quelles possibilités pourraient nous réveiller de ces chansons endormies ? Le corps, fragment doux, va-et-vient, porté par le désir et l’absence, la vie et la mort. C’est une présence fantomatique, sans visage, qui passe à travers les murs.
Enfin, le visiteur pénètre dans la dernière salle. L’installation s’intitule Petite Babylone. Dans l’obscurité se devinent des animaux, épars après l’intervention d’un chaos que l’on soupçonne. L’humain a disparu mais encore, des mains, ombres sur les murs, apparaissent sur les parois de la grotte, gonflent et retombent. Tentatives des morts de sortir des décombres, de s’emparer d’un destin ?
La présence humaine est fragile, qu’on la couve ou l’attaque. Les mots et les animaux nous survivront peut-être.
À ne pas manquer également, la série de dessins inédits exposés à la librairie de la galerie.