Biennale Internationale Design — Saint-Étienne
Saint-Étienne accueille, du 21 mars au 22 avril 2019, une biennale du design ancrée dans des problématiques actuelles. Intitulée Me You Nous, Créons un terrain d’entente, elle assume sa volonté d’investir le champ social pour accompagner des réflexions de créateurs qui ont depuis bien longtemps dépassé la frontière de l’objet.
La conceptualisation d’un design « post-objet » paraît ici pleinement engagée avec l’une des expositions principales intitulée Systems, not Stuff, faisant la part belle à la dématérialisation et à l’évolution à l’œuvre de pièces finies pour penser des éléments d’architecture détournant la question de l’espace et du temps dans la pratique du design. Autour de thématiques précises, la commissaire Lisa White invite des créateurs à exposer leurs recherches entrant en résonance avec des systèmes ouverts, de la conception d’outils de production pour le futur (avec des sections dédiées à la couleur, à la transformation du plastique et à la conception même de machines) à la prise en compte des facteurs d’inclusion sociale et biologique (avec deux ensembles liés à l’accessibilité et à la durabilité).
L’exposition Resurrecting the Sublime offre une plongée au cœur de la recherche d’Alexandra Daisy Ginsberg qui, à travers sciences et technologies, met en scène des éléments de la nature aujourd’hui disparus pour en proposer des usages et des perspectives afin de dessiner le futur. Projet spectaculaire, poétique et scientifique, le parcours ressuscite une plante disparue pour en extraire le parfum et fait émerger une réflexion profonde autour des usages « impossibles ». Plus encore, ce projet repense à nouveaux frais l’articulation du geste, du faire artisanal, de la science dure, des calculs informatiques et de la sensation pour organiser la rencontre d’un inconnu rendu possible par une torsion de la temporalité.
John Maeda, à qui est confiée une carte blanche, s’insère dans cette pensée d’un design dématérialisé avec la conception d’un rapport consacré à l’apprentissage, l’usage et les perspectives du design réalisé lors d’une résidence menée à la Cité du Design depuis le mois de janvier. Usant des outils contemporains (algorithmes, données logicielles et matérielles), le design computationnel à l’œuvre dans les stratégies industrielles des géants du numérique se voit ici expliqué, illustré et envisagé en tant que force grandissante au sein de nos usages.
Comme un écho aux enjeux industriels qui agitent le monde des constructeurs de nouvelles technologies, la Chine, invitée d’honneur de cette édition, dévoile son rapport au design sous la houlette du commissaire Fan Zhe. Avec Équi-libre, cet artiste designer ouvre une fenêtre sur une création vivace aussi cruciale économiquement pour un pays en plein développement qu’agitée par les problématiques d’une idéologie nationaliste assumée, de liberté individuelle, d’accès même à l’information et aux outils de partage que le régime, à vie, de Xi Jinping tient sous une surveillance constante et polymorphe. Si le titre même de l’exposition évoque la question de la liberté, cette rencontre reste placée sous l’idéal d’un terrain d’entente, à la suite de la thématique de la biennale qui semble à tout le moins proposer un regard libre sur un paysage et une histoire à découvrir et forcément source d’enseignements.
Riche d’un programme foisonnant invitant designers confirmés, écoles et créateurs, penseurs de tous horizons, cette onzième Biennale du Design conforte sa place d’événement majeur et de reflet riche et passionnant d’un domaine qui semble en constante évolution, n’hésitant pas à remettre en question sa propre pratique pour penser ses développements futurs.