Marion Verboom — Galerie Jérôme Poggi
La galerie Poggi présente jusqu’au 12 janvier Ester, la seconde exposition personnelle de l’artiste Marion Verboom (née en 1983).
« Marion Verboom — Ester », Galerie Poggi du 1 décembre 2018 au 12 janvier 2019. En savoir plus Issue d’une résidence artistique menée dans une manufacture de lunettes de luxe en Italie à l’invitation de Lvmh Métiers d’Art, cette série explore les matériaux mais, plus encore, fouille le subconscient d’un lieu pour en proposer une vision singulière qui la réintègre dans une histoire plus vaste, celle de l’imaginaire.À travers le dessin et la sculpture, Marion Verboom orchestre dans son œuvre une rencontre sensible des matières, bigarrant ses propres formes pour en altérer les surfaces et inventer des jeux d’échelle qui oscillent de l’infinie discrétion à l’imposante présence. Entre ses totems empilant, à la manière des strates qui composent la couche terrestre, des niveaux qui figurent des histoires différentes, ses aquarelles évanescentes délicatement posées sur des cadres en résine, ses expérimentations chimiques sur de simples morceaux de plâtre, le spectre de sa pratique, s’il est polymorphe, engage néanmoins toujours forme et matière dans une dynamique de la rencontre vouée à en défaire les attendus. Pesanteur, légèreté, froideur et chaleur sont ainsi constamment « déjouées » dans des objets-reliques qui ne se laissent pas toucher et étalent leur sensualité biscornue dont les nombreuses références laissent sourdre une familiarité incongrue.
Un art de l’oxymore qui trouve dans cette exposition une fois de plus un cadre pratique appliqué avec l’appropriation, par l’artiste, de méthodes de pointe autour de l’acétate. Au long d’un dispositif qui dépose sur et autour d’une estrade des sculptures tantôt abstraites, tantôt figuratives, l’exposition de Marion Verboom conçoit l’espace de la galerie avec une frontalité qui brusque avec joie et intelligence les codes de l’œuvre d’art. Une mise en scène inspirée qui trahit un véritable désir d’allier les contraires pour faire entrer ses formes organiques et dissonantes dans un cadre qui les révèle. Les figures simples soulignent ainsi cette tension du travail d’orfèvre d’un matériau appréhendé avec des artisans d’exception et l’élégance du décalage, de l’invention prend le pas sur le luxe et la préciosité.
Car c’est bien dans la dynamique des associations que la force de Verboom opère ; sa recherche s’est ainsi nourrie autant des particularités historiques et géographiques du lieu que de l’histoire de la représentation de sa région dans la peinture de paysage traditionnelle. Un écho rendu par la vibration des couleurs, le jeu sur les contrastes de tonalités et de matières des objets disposés qui sont autant de sédiments d’une mythologie réinventée.
Derrière l’apparente diversité de formes présentées, Marion Verboom propose une concrétion de références aux mythologies du monde entier pour tisser les liens d’un canevas où temporalité et topographie se brouillent en analogies révélant leurs parentés et puisant dans la multiplicité des singularités les outils d’une construction personnelle et partagée. Elle qui se définit comme une « chasseuse d’artefacts » poursuit l’érection d’un musée imaginé composé d’emprunts, de citations et de réinventions qui bouleversent l’ordre de l’histoire. Chaque sculpture apparaît alors comme le reliquat d’un passé en mouvement, travaillée en son sein par des strates temporelles aussi liées à son présent qu’à ses prémisses, à ses stigmates sensibles qu’à ses cicatrices ancestrales ; travaillée surtout par la sensibilité, par le sentiment d’une conscience, celle de l’artiste, qui s’y confronte et y ente ses affects pour en définir un nouveau panorama.
Par le micro-récit de la sculpture, par la charge symbolique de ses nouvelles idoles, Marion Verboom recompose ainsi, dans son dispositif hors-sol, un art du paysage en négatif qui se jouerait dans toutes les influences présidant à la création de ces pièces. Reliefs, lumière, matières, densité végétale se devinent alors à travers d’un artisanat qui en résulte et n’a de traditionnel que l’illusion qu’il porte en lui de toucher à l’universel, ce à quoi il ne peut que tendre tant son efficace se plie au jeu subtil de la répétition, de la réinvention sans mimétisme.