Stéphane Thidet — La Maréchalerie, Versailles
La Maréchalerie de Versailles accueille du 15 septembre au 16 décembre une exposition personnelle de Stéphane Thidet qui, en usant de matières synthétiques, questionne notre rapport à la nature.
Exposition personnelle de Stéphane Thidet — Orage @ La Maréchalerie, centre d’art contemporain from September 15 to December 16, 2018. Learn more Une exposition qui bien qu’un peu courte, ne manque pas d’impressionner par son installation monumentale et parvient à alimenter son propos autour de la porosité de l’intérieur et de l’extérieur par une utilisation subtile de l’espace. Si elle se donne dans un certain mutisme et une absence volontaire de présentation étoffée, Orage ne manque pas d’éveiller les sens et de charrier le sentiment inquiet d’une crise à venir.Dans une pénombre inquiétante, la figure renversée de l’animal, des cerfs lourds suspendus au plafond de l’espace d’exposition mettent à mal l’ordre de la nature pour nous installer dans une atmosphère lourde. L’orage, ce moment où le ciel se recouvre pour gronder et annoncer bien souvent les trombes d’eau à venir est au cœur de l’installation.
L’ensemble évoque tout à la fois le pouvoir sur la nature avec sa mise à mort et son impossible domestication. Si les animaux trophées sont disposés comme les vestiges d’une mise à mort, le sang dont ils se sont vidés perd sa couleur pour dessiner une flaque noire qui continue de les refléter. La faible lueur d’une bougie danse, dans la pièce adjacente avec une liberté propre à la flamme, ses soubresauts imprévisibles guidant la lumière et notre progression au gré des courants d’air qui soufflent dans le lieu. Une incertitude qui fait tout le sel de ce décorum hautement pensé et pourtant fragile.
En effet, se joue ici une tension impalpable accentuée par le reflet des cerfs comme prêts à se voir précipités au sol, à sombrer dans ces béances artificielles. D’abord apparentés à des puits sans fond, l’examen rapproché révèle leur nature inquiétante de miroirs reflétant à l’infini la victime du « crime ». Le vacillement de la lueur pourrait tout à coup disparaître, les fils se rompre et les cerfs s’effondrer lourdement. Un pressentiment qui sourd tout au long de la visite avec les deux petites vidéos en boucle d’un écoulement qui semble prêt à faire céder les digues qui les retiennent.
Le liquide devient alors le trait d’union qui perturbe la perception de l’extérieur, entre le jardin, l’intérieur et la chambre mortuaire. Fluide, changeante, à la manière de l’impossible emprise sur une nature que les plus ingénieux stratagèmes ne peuvent contenir, et surtout pas isoler.
Nos frontières intimes elles-mêmes sont poreuses, traversées d’ambiguïtés que cet Orage de Stéphane Thidet semble appuyer avec justesse, repensant la frontière entre dehors et dedans, portant la menace de l’extérieur, son incertitude constitutive jusque dans nos consciences, comme une alerte sourde sur l’urgence de modifier notre regard sur elle.