Silvia Bächli Eric Hattan — Centre culturel suisse
Le centre culturel suisse présente du 28 avril au 16 juillet l’exposition Situer la différence, une association de deux grands artistes, Silvia Bächli et Eric Hattan, qui ont régulièrement collaboré mais dont les mondes, presque opposés a priori, parviennent ici à en concrétiser un singulier, énigmatique et jouissif.
« Silvia Bächli Eric Hattan — Situer la différence », CCS — Centre culturel suisse du 28 avril au 16 juillet 2017. En savoir plus Un titre d’exposition à entendre comme un jeu de mots avec « si tu es là différence » , comme un écho à la complicité intime de ces deux artistes dont les démarches, radicalement différentes, trouvent ici, dans leur confrontation, des convergences réelles qui participent de la singularité et de la pertinence d’un tel projet. Car tous deux entretiennent un rapport primordial et fondamental à l’espace. Eric Hattan s’y insère avec ses tuyaux, constructions modestes et autres objets du quotidien tandis que Silvia Bächli, si elle limite ses interventions aux deux dimensions de dessins accrochés aux murs, conçoit son approche comme une utilisation des pleins et des vides tout autant que de la lumière, elle qui se sert directement des limites de l’espace de la toile pour les structurer.Les lignes se répondent et un même rapport à la perception, au mouvement du regard et à la manière de construire un paysage atmosphérique semble émerger. Dans ce parcours oscillant entre ombre et lumière, les deux artistes parviennent à faire naître des humeurs et des sentiments contraires, jouant de chaque recoin et perspective pour inventer une image. Abstraites, les lignes de Silvia Bächli n’en semblent pas moins connectées au monde, poussant jusqu’à la limite de la feuille, jusqu’à son infime tranche leur existence et percluses elles-mêmes de leur propre vie dans le rapport qu’elles entretiennent avec la matière qui les accueille. En ce sens, elles témoignent presque d’un arrachement à un complexe, un paysage mental plus vaste qui, ailleurs, les prolongerait, voire les lierait toutes en un ensemble organique dont le temps de la production ne dévoile qu’un secteur à la fois. De même chez Eric Hattan, la somme de possibles de ses agencements du réel semble elle aussi inépuisée par ses pièces qui ne cessent de transformer, tout en le questionnant, chaque espace dont il s’empare. La ligne, très présente chez lui aussi, se voit mise en scène au long d’une vidéo qui suit un doigt inventant un itinéraire tortueux dans une habitation moderne, glissant en un long plan-séquence sur les plinthes, rebords et à la croisée des dalles de carrelage qui l’habillent. En écho, des tuyauteries déploient à travers les deux étages du centre culturel un chemin tortueux qui partitionne de façon absurde l’espace et joue sur la distance entre usage et création, à l’image d’un discret vestibule, renfoncement caché et poétique au creux de l’espace. Face à ces incongruités obsédantes, les dessins de Bächli amènent un équilibre poétique qui offre un contre-poids idéal et impose une certaine gravité qui complexifie le propos.
Dans la pièce sur cour, les deux artistes proposent une extension lumineuse où Silvia Bachli appose sur les murs une série de collages inattendus tandis que trône au centre de l’espace une structure faite de multiples débris glanés dans la ville, bric-à-brac aléatoire qui unit le sol au plafond et continue, avec joie, à redéfinir notre regard sur la ligne tout autant que sur l’espace en lui-même et son implantation géographique dans la ville.
Situer la différence dévoile ainsi avec intelligence le cœur du centre culturel suisse qui sait s’ouvrir à qui est attentif à la simplicité du geste, à la perturbation mesurée et parfois drolatique de l’espace d’exposition, comme un pied-de-nez amusé à la solennité des angles droits ; un rappel que la construction est précisément un agencement qui peut s’affranchir des lois de la fonctionnalité éprouvée.