Walid Raad au Louvre
À l’occasion de la récente inauguration du département des Arts de l’Islam, l’artiste libanais Walid Raad répond à l’invitation du Louvre par une installation et une vidéo réunies sous le titre assez énigmatique mais intrigant de Préface à la première édition. Un livre prolonge l’exposition, indispensable, ou presque, pour essuyer une certaine frustration d’un parcours ramassé dans une unique salle.
Walid Raad — Préface à la première édition @ Le Louvre from January 19 to April 8, 2013. Learn more Walid Raad a délaissé le sang et les impacts de balles pour se prêter ici à un exercice de style à cheval entre fiction et documentaire, sur le thème des « musées universels », dont la source est un constat simple : nombre d’institutions occidentales voient ouvrir des espaces dédiés aux Arts de l’Islam et plus encore, celles-ci s’exportent au Moyen-Orient, en témoigne le Louvre Abou d’Abi dont l’ouverture est proche. De là, sont nées deux créations d’une beauté formelle discrète mais réelle ; une vidéo de 12 minutes et une installation aérienne, toutes deux perméables sans être pourtant explicitement liées.L’installation dont le dispositif invite à rêver propose pour sa part un monde et son image. Il s’agit concrètement d’un immense mobile fixé au plafond auquel sont suspendues des portes — les portes de musées imaginaires et universels — dont l’éclairage savant projette sur les murs des ombres chinoises. Dans cette salle, plongée dans une belle obscurité, ce seront ainsi les ombres, ces fantômes graciles qui se chargeront de donner corps au volume décharné qui les accueille. Il faut prendre le parti de cet espace si vite visité en y restant le plus longtemps possible afin d’y observer les variations de lumière qui s’y trament. Un peu à la façon dont on observerait le jour décliner, jusqu’au rayon vert. Et de l’absence, du manque, de l’image d’un monde fanstasmé, le vide s’emplit.
La vidéo, quant à elle, montre, grâce à un montage soigné, une trentaine d’œuvres qui voyageront jusqu’au Louvre Abou d’Abi. Les formes amalgamées dessinant tour à tour les objets superposés les uns sur les autres (cheval, vase, bague, etc.) offrent une vision kaléidoscopique et colorée. Faut-il voir en creux dans cette compilation compacte et visuellement très réussie, la porosité grandissante entre les cultures ? On quitte en tout cas le lieu avec l’impression rare d’avoir oscillé entre imaginaire et réalité. Qu’aura-t-on vu ? On ne sait plus bien, mais en filigrane les intuitions de l’artiste auront percé et fait jour.