Crumbling the Antiseptic Beauty — Fondation Pernod Ricard
La fondation Ricard présente une proposition fascinante de l’artiste David Douard qui embrasse le rôle de commissaire pour inventer une exposition-œuvre qui unit ses invités au sein d’un espace dont sourd, derrière l’apparente quiétude de bureaux désertés, un tonnerre d’histoires possibles.
Une formule inédite pour l’artiste qui convoque les œuvres de treize artistes (Clémentine Adou, Marie Angeletti, Grichka Commaret, Guillaume Dénervaud, Pascal Doury, Garance Früh, Gabriele Garavaglia, Isa Genzken, Morag Keil, Benjamin Lallier, Mélody Lu, James Richards et Pascale Theodoly) qu’il dissémine dans un espace évoquant son goût des lignes, des courbes et des compositions dictées par la matière.
Si tout semble ressortir ici de la transformation, de l’artificiel et du composite, les jeux d’envers et d’endroits, d’assemblages bruts et d’abandons aléatoires révèlent une forme d’intrication organique propice à l’imaginaire de scénarios multiples. Et l’inoffensif apprêt hyginéniste d’un espace collectif s’écroule sous les intrigues de formes inquiétantes, renvoyant à la fantaisie de hiatus espiègles, tel le souriant salut d’une figurine du petit fantôme Casper intriqué dans sa boîte qui nous sourit pour mieux nous révéler que nous sommes déjà pris au piège. Ce piège nous dit le titre, Crumbling the Antiseptic Beauty, d’une beauté qui se révèle dans son effondrement.
Car David Douard parvient à rendre tangible d’une manière renouvelée mais toujours aussi cohérente sa vocation à faire résonner, dans ces objets muets qui le peuplent, toutes les histoires d’un monde dont on ne lit que l’horizon. Les échos de griots et conteurs, d’artistes et de créateurs, s’emmêlent derrière les parois d’apparat, les cimaises éphémères quand il ne s’agit pas de simples pans de tissus dessinant de fragiles frontières. Tout passe et communique en réalité ici dans des séparations qui révèlent leur artificialité pour mieux suggérer la dynamique de courants qui n’ont que faire de la distance. Naît une communion par les ondes entre les œuvres aux allures de causalité d’atmosphère pleine de cicatrices fertiles. Autant de fissures desquelles émergent des voix troubles et troublantes qui organisent leur ensemble déroutant.
C’est qu’à travers sa sélection d’artistes pointue et éclectique, il aborde ici son art de l’assemblage comme le reflet troublant de ses propres œuvres. Et compose ainsi une plongée techno ésotérique plus minimale qu’à son habitude mais pas moins complexe dont la polyphonie de cris et de silences se résout dans l’unité d’un espace d’exposition devenu, à travers ses choix, une œuvre à part entière.
Crumbling the Antiseptic Beauty à la Fondation Pernod Ricard, Paris — Du 07 mai au 13 juillet — Du mardi au samedi, de 11h à 19h — Nocturne mercredi jusqu’à 21h — Lundi sur rendez-vous — Entrée libre