Édito Quatre
À nouvelle année, nouveaux enjeux. Et celle-ci n’en manque pas. Si, de crise financière en crise financière, le marché de l’art semble être le seul à se voir épargné, il ne faudrait pas oublier que le marché n’est pas le créateur ; il n’est qu’un vecteur, lui-même épaulé par les institutions, publiques ou non, plus à même de sentir les inflexions de l’économie. Et déjà, les baisses de moyens se font sentir. Quant aux artistes, la situation paraît là encore peu enviable. Et ce n’est pas le bilan de cinq années (au moins) d’une politique culturelle nationale démissionnaire qui encouragera les vocations, sans même parler des chutes de budgets à venir des collectivités territoriales, véritables relais de la diffusion de la création au plus grand nombre. En état de crise, les associations d’un nouveau genre et autres structures indépendantes tentent de trouver les armes pour continuer à faire vivre l’art, et peut-être faut-il y voir, loin du cynisme et du business tapageur d’artistes exhibés comme des produits tendance, la possible éclosion à venir d’un art qui, après avoir débordé ses cadres formels, débordera pour de bon sa propre économie. Ou comment, à l’image d’une certaine frange
d’artistes, retourner comme pour mieux s’en défendre, vers l’introspection, vers ces mondes intérieurs qui ouvrent pour de bon les possibles. Figuration intimiste, univers onirique ou décalages burlesques des codes de la représentation, impossible de ne pas sentir le retour d’un certain souffle de mélancolie et du sensible dans la création d’aujourd’hui, à l’image de l’exposition Au loin, une île ! que présente la fondation Ricard en ce début d’année. Mais loin du constat amer et cynique, cette mélancolie au travers de l’art n’aura rien d’un repli. Au contraire, elle vient crier l’urgence de préférer un questionnement aux réponses, un possible plutôt qu’une solution. Cette vague amertume n’est qu’un peu de soufre venant pimenter un sentiment du monde vidé de toute sa complexité, un souffle de réflexion sur l’illusion de la fatalité. Et la résistance, avec la très attendue exposition du musée d’Art moderne de Paris consacré à la jeune garde mexicaine Resisting the Present, n’en sera que plus belle. « Pas d’alternative » clame la politique au nom d’un prétendu pragmatisme ? Des milliers de possibilités ont déjà répondu, chacun à leur manière, les créateurs.