Performing Books #1, Surveillance Index — Le Bal — Reportage — Slash Paris

« Surveillance Index — Performing Books #1 », Le BAL du 10 au 27 janvier 2018. En savoir plus Née de l’initiative de la responsable de la librairie du Bal (Le Bal Books), Emilie Lauriola, cette première édition de Performing Books, déploie au sous-sol un immense présentoir panoptique qui recense plus de 200 livres consultables. Au cœur des problématiques posées par la collection de Mark Ghuneim, le contrôle d’État, la surveillance publique, l’identité et le voyeurisme. Autant de livres qui témoignent de réflexions sur la surveillance, un sujet obsessionnel pour le collectionneur de New York, également acteur du milieu de l’innovation technologique. En observateur effréné, il traque et compile, depuis le début des années 1990, les dispositifs mis en place pour surveiller les citoyens. À cette même époque, il proposait — de concert avec New York Civil Liberties Union — une carte interactive de New York répertoriant les 2400 caméras de surveillance pointées sur les passants. Le titre de l’exposition présentée aujourd’hui au Bal, Surveillance Index, est directement emprunté au livre éponyme qu’il a auto-édité en 2017 et qui rassemble 100 livres de sa collection consacrée à l’iconographie du contrôle.

Avec Performing Books, Le Bal Books et Mark Ghuneim ne déplacent pas des livres d’une étagère à l’autre mais proposent une dynamique aux livres (et à leur appréhension) inédite et démocratique. Outre un choix curatorial et scénographique pertinent et percutant, Le Bal Books devient laboratoire. En plus de cet inventaire qui prend la forme d’une tour de surveillance, le lieu d’exposition initie un jeu hybride de décryptage des questions de la surveillance en proposant plusieurs rencontres et workshops avec des spécialistes de l’information (« Russie et Cyberespace » le 26 janvier) ou des hackers (« Cryptoparty par Le Reset » le 27 janvier) mais aussi une série de concerts dont les rythmes parasites résonnent parfaitement avec le thème au large potentiel dystopique de la sélection. Aussi, la présence de médiateurs offre au visiteur la chance de recevoir des explications personnalisées et pointues sur les livres qu’il peut feuilleter à sa guise, assis au comptoir qui encercle la structure de livres.

La vigilance de Mark Ghuneim bâtit au fil des livres une esthétique de la révélation et du déchiffrage qui se prête bien au médium photographique et au format si tangible du livre. De la même façon, le livre People in Trouble Laughing Pushed to the Ground d’Adam Broomberg & Oliver Chanarin s’installe dans la lignée du comportement de traque de l’invisible que Mark Ghuneim insuffle à l’exposition. Les images lo-fi des drones de guerre de l’ouvrage Two Donkeys in a War Zone de Clément Lambelet capturent dans les hors-champ des instants de poésie pacifiste auxquels cette esthétique ne nous a pas habitués.

Ainsi, le livre-objet apparaît encore en 2018 comme le médium idéal pour figer et archiver l’évanescence inquiétante du flux de données qui semble nous échapper de plus en plus : un acte de résistance dans le monde totalitaire de Big Brother.