Sous influences à la maison rouge
La maison rouge aurait-elle peur du vide ? Serait-ce la volonté du commissariat d’Antoine Perpère de réquisitionner le moindre espace jusqu’à l’impression de confinement d’une chambre adolescente mal rangée ? Faudrait-il voir dans ce grouillement d’œuvres un geste, une prise de risque à l’image du désordre intérieur créé par les champignons, plantes, ou autres substances psychoactives ?
Si la promesse numérique était belle, le charme est, lui, vite rompu. Et l’overdose rapidement arrivée face à cette centaine d’artistes exposés du XIXème siècle à aujourd’hui. C’est un fait bien connu, s’atteler à une exposition thématique voue souvent à l’impression de catalogue. Voilà pour le pire d’un parcours-somme assez désorganisé livrant le visiteur à une descente. Pour le meilleur car il y en a, il faut se plonger à même les œuvres et faire abstraction du thème lancé. S’attarder par exemple devant l’image d’une femme endormie sous l’effet de la morphine datant de 2010 et signée Tania Brassesco et Lazlo Passi Norberto, photographie tirée d’un tableau du XIXe siècle de Santiago Rusinol. Et comprendre entre les
lignes que la morphine (tirée du grec Morphée, sommeil, rêves) voyage de siècle en siècle. Certes. Ou encore s’introduire avec émerveillement dans la salle de pois de Yayoi Kusama. Comment rester de marbre face à ses hallucinations ? Comme toujours, d’un miroir à l’autre, l’oeil et le cœur se rejoignent dans un même mouvement de surprise et de jubilation.
Faut-il encore préciser la grâce des écritures « mescaliniennes » d’Henri Michaux créant sous l’emprise de la mescaline, substance hallucinogène ? Ou la simple force du Tabac je me couche quel beau soleil d’un Picabia des années 20 ? L’extase et le paradis artificiel ne sont pas loin non plus face au tirage argentique de Larry Clark montrant une femme enceinte qui se pique. Ses seins opulents, symbole de fertilité, sont l’essence même du tragique. La beauté mordue par elle-même. Ce sens dramatique est contrebalancé par un humour présent, par touches. On pensera par exemple aux sabots de Jean-Michel Basquiat qu’il rapporta d’Amsterdam pour se faire pardonner d’avoir sombré dans la drogue. Ou encore le travail d’Eric Corbobesse et Mario Blaise, psychiatres iconoclastes qui prescrivent à Sophie Calle comprimés et masque de sommeil. Mais finalement, faut-il rire ou pleurer ? C’est aussi la question que l’on se pose devant l’affiche de Michel François représentant une petite fille qui boit à même le goulot une bouteille de vin. Du chaud au froid, de la vie à la mort, ce parcours n’est jamais tiède.