Édito Trente-neuf
Face à l’instabilité du monde, qui n’a rien d’un phénomène nouveau mais dont la médiatisation continue rend la perception toujours plus intense et exhorte l’affectation personnelle à défaut de canaliser les énergies face aux dangers de fermeture et de repli faussement identitaire, la création artistique porte une voix qui continue de briser les silences, d’éroder les préjugés et d’inventer des combinaisons, des formules d’hybridation qui modifient notre perception.
Nul besoin d’un engagement de façade, nul besoin d’exhortation, par un ministre de la culture, d’une implication explicite dans le débat médiatique, l’artiste, par sa liberté, est seul capable de détourner le regard pour nous plonger plus à même dans les interstices du monde. En oblitérant le réel, ainsi soumis au décalage, il en rappelle une force constante qui passe, bien au-delà des mots, à travers une sensibilité à réinventer. Ce rôle est plus que politique, il forme les esprits à se distordre, se luxer et se démettre pour mieux s’armer à accueillir la complexité d’un monde et d’une humanité qui mord les frontières.
Pour cette nouvelle année, nous souhaitons donc simplement à nos pouvoirs publics de ne pas menacer institutions, centres d’art et musées dont la lutte pour instiller une pensée libre n’a pas attendu les « débats » médiatiques, ces travailleurs qui accueillent notre jeunesse et nos concitoyens avec ce souci constant de leur offrir une « autre » perspective, bonne ou non, raisonnable ou non. Nous souhaitons de même aux galeries de poursuivre leur travail de l’ombre, cette vitrine d’une création contemporaine ouverte, gratuite et engagée qui nourrit un monde d’amateurs qu’il nous appartient à tous de faire croître. De cette manière seulement les pouvoirs publics pourront se permettre d’interpeller les artistes, non par le conseil mais simplement par des remerciements et des encouragements à continuer