Alexandre Oudin à la galerie Frédéric Lacroix
Il existe mille façons de représenter plastiquement la précarité de la vision humaine. Alexandre Oudin choisit de donner à ce concept et ce constat la forme d’un polygone translucide fonctionnant comme un kaléidoscope. Au fil de sa récente série Polygone with the Wind qui présente quelques sculptures mais essentiellement des épreuves photographiques en couleur, il déploie ce motif récurrent avec la simplicité d’une belle trouvaille.
Décliné, répété, le motif ne lasse pas. Mieux, il convainc et finit par dépasser la simple géométrie euclidienne. Sous nos yeux, cette forme qui structure ses épreuves photographiques et en devient leur centre névralgique, se mue en une idée, à mesure qu’on la scrute. Métamorphose assez parfaite de l’idée en forme, qui rappelle d’ailleurs l’origine en latin du mot idée, forma et range les créations d’Alexandre Oudin du côté des bonnes réalisations. Des bonnes fabrications pourrions-nous même dire, dotées de cette faculté de laisser ouvert l’accès au discours sous-tendu par elles. Comment regarder le monde ? Comment échapper à la vision parcellaire de notre perception ? Alexandre Oudin n’y répond pas, ne prétend sans doute aucunement le faire, mais impose au premier plan ces interrogations.
Translucide, son kaléidoscope polygonal est un prisme dont la récurrence signe un principe, un fondement. Il fonctionne même quasiment comme un postulat. Placé devant un vélo, ou un branchage, il semble être l’indispensable mesure du monde, digne d’un cogito ergo sum, d’une base, en tout cas, pour penser le système perceptif. Comment accéder au réel ? L’englober du regard, le voir nu, lui qui se dérobe en permanence et fait sans cesse illusion ? Certes, l’image du miroir déformant est explicite, avec le risque bien sûr de verser dans l’illustration et de décevoir à trop se faire comprendre. D’autant que l’allusion au film de 1939, Gone with the Wind, ( Autant en emporte le vent, ndlr) alourdit peut-être quelque peu le propos. Mais l’ensemble mérite indéniablement d’être vu, enfin bien sûr si toutefois cela est encore possible, car de ses yeux, toujours il faut se méfier.