Enrico Baj, Martin Kersels — Galerie GP & N Vallois
Dès les premiers pas dans la galerie on découvre surpris des mobiliers étranges et un espace d’exposition bouleversé par la gravité. Les tableaux accrochés aux murs de Baj cohabitent avec les sculptures conçues pour l’exposition de Kersels qui occupent le sol.
L’histoire du meuble dans l’histoire de l’art a un rôle purement décoratif ou fonctionnel. Il est un indice culturel et social important dans le décryptage d’une œuvre. Si à première vue on peut s’interroger sur ce qui peut bien rapprocher les deux artistes à l’exception de ce travail autour du mobilier, le catalogue d’exposition va nous apprendre que bien qu’ils ne partagent pas la même conception de l’art on peut déceler chez l’un et l’autre une réflexion commune sur notre société contemporaine afin d’en dénoncer le conformisme et son caractère contraignant.
Le travail de marqueterie des œuvres de Baj s’oppose aux chaises, tables et commodes rafistolées proposées par Kersels. Les meubles présents au sein de l’exposition, du fait de leurs caractères imposants et qui épousent parfaitement l’espace de la galerie, véhiculent la sensation d’un intérieur bourgeois en perdition. Loin du nid douillet évoqué par le titre, le sentiment que l’on éprouve est une inquiétante instabilité. Les guéridons et commodes de Baj semblent
Le mobilier Kersels, quant à lui, laisse apparaître une grande fragilité. Kersels est un artiste de la performance, il travaille autour du corps et de ses contraintes. Il a recours au mobilier dans sa démarche afin d’interroger la désuétude de l’élément manufacturé au sein de la société américaine afin d’en traduire les conformismes dangereux. La scénographie suggère qu’il s’est passé quelque chose.
L’œuvre Ingrid Bergman, met le spectateur sur la piste. Seule présence humaine de l’exposition, le portrait de la comédienne prisonnière d’une armoire brisée, semble encore entaché du scandale lors duquel elle avait abandonné époux et enfants pour tomber dans les bras de Rossellini. Plus qu’une dénonciation du monde bourgeois, ces meubles en suspens, brinquebalants, comme en équilibre sur la ligne du temps, ne traduisent-ils pas l’anxiété de la vie quotidienne ?
L’exposition Home Sweet Home, sonne ainsi comme un besoin d’utopie et revendique le droit à la différence.