Liu Bolin à la galerie Paris-Beijing
Liu Bolin se cache. Tout autant qu’il se montre. Une démarche ambivalente qui se comprend au regard du contexte de répression chinoise dans lequel est née sa série emblématique Hiding in the city, réponse aux autorités qui détruisirent son atelier comme elles le firent pour celui d’autres artistes du village de Suojia International Arts Camp, un quartier de la banlieue de Pékin. Une série pour laquelle, parfois pendant plus de quatre heures, il pose maquillé, grimé jusqu’à se fondre intimement dans le décor qui l’entoure, rayonnage de supermarché, paquebot à quai, mur couvert d’affiches. Si la dissolution fonctionne à merveille, à se demander même si Bolin est présent sur l’image et à quel endroit, celle-ci ne rime pas pour autant avec disparition. Car l’artiste tient fort à marquer l’espace de sa présence. Dans la volonté de se couler dans le paysage, subsiste ainsi le besoin d’être, de dire sans être englouti, happé dans la masse.
Passer inaperçu, certes, mais pas inexistant. Voilà sans doute pourquoi on assimile souvent cet artiste à son essence contestataire. Or, s’il est indéniable que ses performances possèdent un caractère politique, le risque serait de décharner sa démarche de son pouvoir purement artistique. Non pas que la forme soit véritablement belle, elle verse du côté ludique, voire anecdotique de l’art, mais plutôt en ce qu’il parvient à réactualiser les problématiques de peinture en plein air du XVIIIème et XIXème siècle. Pour représenter le paysage, les peintres se mirent dans un souci de vraisemblance ou de véracité à aller « sur le motif », dans la nature qu’il représentaient. En se prêtant au jeu du maquillage total, Bolin demande à ses assistants de lui peindre dessus. Il est donc à la fois sujet et support de son image et cumule aussi bien la fonction de palette, de toile et de sujet. C’est certainement l’aspect le plus intéressant de son travail.
À mesure que l’on voit défiler le relief de son corps, que l’on discerne son enveloppe charnelle, son invisibilité imparfaite tangue entre position politique et méthode artistique dont les échos sont aussi théoriques qu’historiques.