Marcel Dzama — David Zwirner online
À l’occasion de l’inauguration de son exposition personnelle à la galerie David Zwirner, nous vous proposons de découvrir notre présentation récente de l’artiste Marcel Dzama accompagnant son exposition en ligne Pink Moon dont certaines œuvres se découvrent physiquement jusqu’au 25 juillet dans un accrochage sobre et très réussi d’aquarelles dont la spontanéité et la sobriété recèlent une poétique et une ouverture à l’altérité.
« Marcel Dzama — Blue Moon of Morocco », Galerie David Zwirner du 2 au 25 juillet 2020. En savoir plus Hommage au romantisme et au désir de rencontre, de voyage, Pink Moon est avant tout une allégorie du voyage imaginaire ; cette possibilité de l’esprit de se voir projeté, en tout point de la terre, vers un ailleurs qui nous est commun. Des cimes de montagnes aux rues encombrées de la ville, de la quiétude d’une forêt à la solitude des bords de mer, la lune agit sur notre perception de l’espace comme un point magnétique capable de nous relier tous, le temps d’un regard, à un même horizon.Cette belle imagerie délicieusement surannée constitue une série de dessins vibrants qui, malgré leur apparente naïveté, cultive une bizarrerie et la fixation d’un temps qui, bien que passé, continue de vibrer étrangement sur sa toile. Véritablement pensée durant le confinement, cette récollection de souvenirs de vacances familiales est une ode à la légèreté, à une évasion dont la résonance en période de confinement sonne comme une étrange visée nostalgique.
Sculpteur, peintre, dessinateur, réalisateur, Marcel Dzama, né en 1974 se fait largement connaître à l’international dès le début des années 2000 avec ses dessins et dioramas minutieux au charme passé où humour, légèreté et malice marquent au sein de saynètes où le mouvement d’ensemble et la concentration des lignes fait la part belle à l’expressivité autant qu’à la narration. Quand bien même cette dernière garde parfois ses secrets devant l’évidence décalée de conversations stratégiques entre miliciennes et extra-terrestres, d’hommes au double visage, de femmes sans tête et troncs avec pieds… En France, sa participation à la formidable exposition My Winnipeg en 2011 à la maison rouge installe son esthétique à la naïveté sous-tendue par une précision remarquable de la composition. Des peurs irrationnelles de l’enfance aux illusions qui nous poursuivent, son imaginaire transforme les folklores, les croyances et les rêves en explorant la force picturale née de la rencontre de ces différences.
De jeux d’échelle en variations des matières, ses créations, qu’elles s’étalent sur les deux dimensions de la toile ou se déploient dans les trois de l’espace, semblent toujours répondre à l’exigence d’altération du réel propre à toutes les mythologies, existantes ou encore à découvrir. Porté par une réinvention constante de sa représentation du monde et une attirance pour les arts scéniques, ce membre actif, dans sa jeunesse, de la scène artistique de Winnipeg (il est un des fondateurs du collectif Royal Art Lodge) convoque dans son œuvre les grandes figures de l’histoire de l’art (Marcel Duchamp, les mouvements Bauhaus et Dada) autant que les univers esthétiques singuliers d’inventeurs scéniques (Méliès, Guy Maddin entre autres). Très actif dans divers champs de la culture (il collabore à des films, réalise de nombreuses pochettes d’albums), ses œuvres polymorphes sont aujourd’hui présentes dans les collections prestigieuses du MOMA de New-York, de la Fondation Andy Warhol, du Centre Pompidou notamment.
Et, là encore, dans cette nouvelle série d’aquarelles se dégage une amertume, une beauté de l’altérité rendues familières par l’intemporalité d’un trait qui emprunte au réalisme, à l’illustration, à la chromie tranchée et marquante d’un imaginaire aussi porté sur la fantaisie qu’ouvert et inspiré par l’altérité des cultures du Maghreb et de l’Amérique du Sud, à l’honneur dans cette exposition virtuelle. Les visages se perdent sous des retranscriptions d’une nature généreuse dont les variations sont autant de prétextes à des recompositions aux allures d’allégorie qui forment une ensemble de scènes d’un théâtre imaginaire de la mémoire, où biographie, imaginaire, anecdote et histoire se mêlent pour raconter une modalité de l’évasion.
Avec une belle simplicité et une efficacité évidente, Marcel Dzama invente ainsi un délicieux voyage fait d’allers-retours entre l’intimité de l’artiste, l’universalité d’une symbolique qui nous unit et la beauté de la découverte qui nous rappelle à notre condition de voyageurs immobiles, capables de se projeter, à l’aides des autres, dans un album infini d’images à inventer.
Accéder à la Viewing Room de l’exposition