Stefan Rinck — Semiose Galerie
La galerie Semiose présente jusqu’au 05 octobre une exposition personnelle du sculpteur allemand Stefan Rinck, la seconde en France.
« To eat or be eaten — Stefan Rinck », Galerie Semiose du 7 septembre au 5 octobre 2019. En savoir plus Avec un humour et une facétie tout en retenue, le titre de l’exposition annonce clairement le contrat passé avec le spectateur. Entre théâtre classique, fable moraliste et abandon des valeurs universalistes, on entre ici dans une forêt de créatures aussi déjantées qu’inquiétantes dont les dents acérées, les sourires en coin et les mâchoires disproportionnées trahissent des ambitions « ogresques » ; tout comme les regards outrés, les expressions figées révèlent une insupportable inquiétude. Plongé au milieu de cette double menace, le spectateur déambule à la recherche d’indices éclairant sur les risques et félonies à venir entre ces figures que la nécessité de survie inscrit dans un cycle sans fin. Si Stefan Rinck fait ainsi dérailler la solennité et de la mystique du totem pour dévoyer ses créatures vers une fantasmagorie à la force brute, il n’en perd pas moins de vue la possibilité d’un système, pour déroutant qu’il soit.Entre sourire et panique, ses êtres imaginaires imposent leur monumentalité, leur congruence tout en révélant leurs faiblesses, leurs dysfonctionnalités. Tout passe ici par l’économie du travail de sculpture sur bloc, qui donne son profil essentiel à un bestiaire aux volumes généreux et aux proportions réinventées. De ce rappel premier, les œuvres de Stefan Rinck tirent une force et une évidence esthétique indéniables, constituant autant de figures verticales furieusement moderne qui font immédiatement images, occupent à la perfection un format de lecture qui les singularise (leurs proportions évoquent autant les vignettes de l’enfance que les écrans de terminaux mobiles d’aujourd’hui). Si elles appartiennent ainsi à un ensemble, leur lecture solitaire fonctionne également à la perfection. Leur expressivité, leur malice, leur étrange contrition et leur angoisse renvoient directement au mode de l’enfance, même si leurs regards parfois lubriques ont tôt fait de fouler la naïveté pour laisser émerger le doute. De possibles compagnons aux traits humanisés, ces œuvres se meuvent en autorité inquiétante semblant lorgner nos pas et pousser à la fuite plus qu’à la rencontre. La pierre froide annonce la couleur, « manger ou être mangé ».
Brouillant les attentes de l’élégance et de la bienséance, la noble (et païenne) sculpture brute devient prétexte à la caricature, à la farce grotesque où les corps cachent ce qu’ils sont, déguisent ou dévoilent leurs attributs…
Dans ce carnaval de la gravité où la parade éphémère se mue en une station immuable, le chamboule-tout des valeurs est bien parti pour durer et poursuivre la mobilisation constante de forces et de virtuosité pour maintenir en suspens cette accablante légèreté.