Sur le motif — maba, Nogent-sur-marne
Exposition anniversaire d’un centre d’art au cœur d’une activité riche et prolifique, Sur le motif à la Maison d’Arts Bernard Anthonioz revisite le lien intime entre ce lieu classé au patrimoine et les artistes qu’il a accueillis, le temps d’une résidence ou d’un projet.
Sur le motif — L’exposition anniversaire des 10 ans de la MABA @ La MABA from February 18 to April 30, 2016. Learn more Un hommage touchant à ce superbe hôtel particulier empreint d’une histoire aussi rocambolesque que passionnante. Car si l’on ne peut omettre l’occupation active des deux sœurs Smith parmi lesquelles Madeleine, peintre dont le classicisme s’intègre avec grâce dans l’ensemble de l’exposition, a su immortaliser un jardin conservé aujourd’hui à l’identique, de nombreux épisodes contribuent à la renommée de cette maison d’arts nichée au cœur d’un jardin à l’anglaise et riche d’une multitude de dépendances qui accueillent des artistes tout au long de l’année. Survivre à l’épreuve du temps pour ancrer ce bâtiment dans l’histoire de l’art, et inversement. Car la truculente légende qui accompagne cette bâtisse n’est autre que l’invention du séjour funeste de Watteau qui aura contribué à son classement au patrimoine et à sa protection. De ces histoires romanesques, le temps aura fait advenir des spectres, souvenirs imaginaires qui alimenteront l’esprit de la maison et influenceront les nombreux artistes qui la visiteront.Une influence qui passe notamment très souvent par sa splendide bibliothèque, véritable monument érigé à la gloire des livres et à l’oncle des deux sœurs, Auguste Lesouëf qui aura marqué tant d’artistes passés là. On retrouve ainsi cette imposante bibliothèque dans les hommages présentés par Jessica Warboys et Natasha Sadr Haghighian. Cette dernière propose à ce titre une vidéos d’une sensualité poignante où le monde silencieux du parc et L’intérieur même du bâtiment semblent s’animer, parcouru d’un souffle de vie, d’une multitude d’histoires. D’une nature sauvage, on débouche subrepticement dans le domaine patrimonial, reliant avec subtilité les éléments contraires. Chez Jessica Warboys, la bibliothèque figure le personnage central d’une boucle obsédante qui glisse sur les objets et les magnifie, insistant sur l’inertie, le poids de ce patrimoine que notre regard ne peut parcourir que temporairement, léger et volatil comme un passager éphémère d’une histoire qui continue de s’écrire.
Cette temporalité fugace est ainsi mise en valeur par l’installation performance de Barbara Manzetti qui compile, sur des rouleaux, des narrations qui s’étirent dans l’espace et qu’on ne peut embrasser qu’au prix d’un déplacement constant. Un écho subtil à la très belle œuvre de Catherine Poncin qui, elle, détourne la vérité pour inventer (ou justifier) une histoire imaginaire, confrontant des photographies d’époque du jardin avec des éléments d’œuvres de Watteau, opérant un double mouvement de rapprochement entre deux espaces et deux médiums différents. Ce jeu de faux-semblants offre ainsi à l’exposition une véritable âme qui dépasse la simple visée « glorificatrice » de l’événement pour questionner les formes, toucher la question ouverte du « motif » figuré dans l’œuvre tout autant que le « motif » qui préside à sa réalisation. Bastien Aubry et Dimitri Broquard viennent eux court-circuiter la qualité même des souvenirs en bâtissant, à leur manière, une sculpture dont la photographie figurait dans les archives. Loin d’en proposer une copie conforme, ils maquillent leur imposante structure en lui apposant une sérigraphie de l’originale. En ce sens, le motif ainsi adjoint contrebalance l’apparente simplicité de leur construction pour faire renaître, dans cette tautologie jouissive, un souvenir imaginaire.
C’est ainsi dans une exploration des différences que Mimosa Échard organise la rencontre de tous les éléments qui composent le domaine et transpose en leur sein des actions et motifs qui en déplacent le sens. Son séjour est alors l’occasion d’expérimentations matérialisées dans des œuvres qui perturbent les repères et témoignent de la portée singulière d’un bâtiment qui n’aura cessé d’alimenter l’imaginaire des artistes pour, à leur tour, faire émerger des images qui en font vivre tous les fantômes.