Géométries de l’Invisible — eac., Mouans-Sartoux
L’exposition Géométries de l’Invisible, présentée depuis le 17 septembre à l’Espace de l’Art Concret de Mouans-Sartoux, offre un ensemble d’œuvres de haute tenue qui fait vibrer la ligne et stimule les angles pour découvrir les intensités créatrices de regards capables de s’approprier la logique des formes pour renouveler l’image de leur monde.
Un dépassement au cœur de ce parcours organisé en résonance avec un projet de recherche en Sciences de l’art / Esthétique à La Sorbonne et qui tient pour argument l’idée que « géométriser, c’est reformuler en permanence nos configurations cosmologiques pour se réinscrire dans l’univers, à la jonction des mondes terrestres et cosmiques ». Une occlusion dans la rationalité géométrique qui rappelle sa proximité historique avec les croyances religieuses, la mystique chamanique et les inventions mythologiques trouvant dans cette forme d’abstraction le biais pour structurer, imaginer ou configurer les règles de leur propre monde.
De l’utilisation des formes comme motifs possibles par la répétition chez Vidya Gastaldon ou par la variation inspirée chez Anika Mi, jusqu’à leur contradiction à travers l’approximation, la scène contemporaine elle aussi continue d’explorer les problématiques de cette science de l’abstraction qui touche pourtant à l’essentiel de notre mesure d’un monde réticent à s’y réduire. Une exploration de la géométrie qui parvient également à opérer la description du rapport intime de la représentation à la grille, sa nécessité structurelle autant que le besoin viscéral d’en pénétrer les interstices pour ouvrir les lignes de fuite à l’esprit qui les chevauche pour mieux les détourner. Les grands noms de l’histoire figurent ici (Aurélie Nemours, Vasarely, Yves Klein, etc.) avec des travaux saisissants qui rappellent l’importance du concept dans un art qui, tout au long de son histoire, s’est toujours emparé de la forme géométrique dans toute sa plasticité, jusqu’à s’y prendre lui-même au piège, prêtant le flanc, dans sa quête de réduction à l’essentiel, à la caricature d’observateurs peu enclins à faire le saut, à leur tour, dans « l’invisible ».
C’est avec un fort bagage conceptuel lié aux cultures de l’invisible et dans la droite ligne de la remise à jour des courants alternatifs d’une création artistique que les grandes figures de la Renaissance à la rationalité moderne en passant par les Lumières ont pu occulter que l’exposition agite des concepts passionnants en usant précisément de la démonstration plastique pour souligner la force de ces questionnements formels qui, partageant entre eux le goût de l’abstraction, n’en sont pas moins pleins d’une puissance de la sensation nécessaire à toute volonté d’inscrire, dans le réel, la possibilité de son altérité.
S’appuyant ainsi sur la tendance à la transversalité, inscrite dans les gènes de l’Espace de l’Art Concret de Mouans-Sartoux, ces Géométries de l’Invisible semblent vouées à dessiner les lignes d’une cartographie de la création dont la liberté se mesure à la capacité de réagencer des frontières dont la rectitude visuelle trace des perspectives assumées, des lignes de fuite audacieuses bien plus que des limites.