Jeune création 2011
Avec près d’une soixantaine d’artistes présentés, Jeune Création fait la part belle à la diversité. Si cette édition 2011 est pleine d’artistes de talent, certains se détachent en proposant, à travers les œuvres présentées au 104, une démarche percutante et singulière.
Éléonore Josso
Avec sa peinture en noir et blanc, Éléonore Josso dissipe l’absence, elle en fait un personnage invisible qui se répète dans ces deux grandes compositions qui jouent aussi bien des lignes, des perspectives évanouies dans l’obscurité que de la matière, ces pigments qui viennent recouvrir la toile et effacer toute tentative d’interprétation. Prolongée jusque sur les bords de la toile, la peinture d’Éléonore Josso est de ces œuvres qui parviennent, en plus d’une grande réussite formelle, à donner prise sur la possibilité du vide, à faire advenir le vertigineux silence du néant.
Samuel Buckman
La douceur et la radicalité de Samuel Buckman, qui tranche l’espace d’exposition de la seule épaisseur d’une bande magnétique marque par l’intelligence d’une démarche tout en tension. Une découpe, une scission mobile et libre, sa Derviche évolue au gré des déplacements extérieurs comme des mouvements du mécanisme vibrant qui la fait osciller, trace les lignes d’un dessin aléatoire hypnotisant, tout comme les traces laissées sur la feuille de papier qui accompagne cette installation. Cette frontière légère, plastique et mouvante, parcourue de spasmes, contradictions et contrecoups, c’est celle de l’art.
Sarah Garbarg
Sarah Garbarg déjoue la froide objectivité en proposant une véritable lecture sensible de la topographie. Entre jeu d’enfant (points à relier) et possible manipulation de données scientifiques en redessinant les repères topographiques, les plans de Sarah Garbarg inventent un nouvel alphabet à décrypter. Investissant un champ mental inédit, cette confrontation de l’imaginaire, du souvenir et de la pure objectivité déjoue les codes pour créer la cartographie d’un territoire à réinvestir.
Romaric Hardy
Il y a quelque chose d’expérimental, oscillant entre la radicalité des tentatives formelles du XXe siècle autant que dans la subtile idiotie contemporaine dans ce travail de collecte, d’investigation de l’absurde (où vont les animaux domestiqués lorsqu’ils quittent leur foyer ?) de Romaric Hardy. Cette collection d’images à la recherche d’un chat anonyme pourrait presque se confondre avec un « devenir-animal » de l’artiste qui se condamne lui-même à des contorsions périlleuses sous les voitures stationnées et cache, sous l’apparente frivolité de ses clichés, une radicale possibilité de transformation par la création.
Claire Tabouret
La force de la peinture de Claire Tabouret tient à celle de ses modèles ; des images glanées dans les médias, déplacées de leur sens, de leur contexte, faisant de ces compositions anonymes un mélange suspendu entre mythification, allégorie fantasmatique et froide objectivité. Au-delà de la qualité technique, le changement d’échelle induit par la taille de ses toiles constitue le point central de cette perte de repères et retrouve, voire redéfinit la fonction de sens de la peinture.
Nicolas Tubéry
Dans son installation vidéo, Nicolas Tubéry met en regard trois moments suspendus, plongeant le spectateur dans une véritable frustration. Littéralement « en attentes », l’œuvre autant que celui qui la regardent abandonnent toute action, toute résolution. Car ce tryptique Rodeo, Screen et Supporter mêlant un cadre de projection vide, une foule en attente d’un évenement et ce qui ressemble à la fin d’un spectacle offre trois temporalités « déviantes » qui se répondent et viennent s’amplifier en jouant sur l’incidence d’un temps non pas seulement révolu mais bien condamné à ne plus jamais “passer”.