Kader Attia & Jean-Jacques Lebel — Palais de Tokyo — Vidéo
Le Palais de Tokyo présente, du 16 février au 13 mai, une présentation claire, aérée et élégante qui confronte une histoire violente à ses reliquats comme à la création qu’elle fait naître à travers les yeux de deux artistes singuliers.
De même, les deux artistes ne présentent que peu de leurs propres œuvres au sens classique du terme pour préférer s’attacher à ce qui « œuvre » dans leur démarche. Kader Attia compile les représentations de l’autre comme ennemi et tenant d’un mal absolu tandis que Jean-Jacques Lebel nous plonge dans l’horreur de l’humiliation avec un agrandissement monumental des photographies réalisées par des geôliers du camp d’Abou Grahib.
Liens géographiques incongrus, transformation d’objets de guerre en outil d’art, récupérations symboliques inattendues, les éléments qui constituent cette collection traduisent le poids d’une histoire de violence, de conquêtes et de guerre qui se poursuit jusque dans les pratiques quotidiennes. Ce dialogue formidable empreint de poésie et d’onirisme ne perd ainsi pas de vue les enjeux politiques de la représentation de la violence et, si les images sont dures, elles éclairent pourtant notre propre rapport à la destruction, à la peur et à la manipulation. De même, les interventions d’artistes tels que Sammy Baloji, Gonçalo Mabunda et les très belles peintures de Driss Ouadahi offrent des perspectives salutaires et déploient encore le sens de la question du détournement et de la réparation, centrale dans l’exposition.
On navigue ainsi avec un réel intérêt dans L’Un et l’Autre, entre ces fragments d’histoire aussi beaux que chargés d’atrocités, aussi précieux que nécessaires à la compréhension des luttes qui émaillent le monde, cet ensemble d’infinies singularités qui exige la mise en jeu de la sienne.