Panorama 09/12
De la maison rouge au CNEAI de Chatou en passant par le Louvre, la rédaction pose un regard sans concession sur les expositions franciliennes du mois de septembre.
Valérie Favre — Fragments •••
Valérie Favre expose une série de peintures dévoilant un champ nouveau de son univers mêlant onirisme et gravité. C’est finalement ce jeu du regard à l’œuvre dans les toiles de Valérie Favre qui reste le plus troublant et le plus fascinant. À s’approcher, s’écarter, s’incliner, le spectateur de ce monde trouve dans chacune de ses régions, chaque traînée de peinture, chaque aplat de couleur, un système singulier faisant de l’ensemble du tableau un univers parcouru d’une infinité de formes possibles. Indéniablement, Valérie Favre touche avec cette nouvelle série un point crucial de sa démarche et offre l’une des expositions les plus excitantes de la rentrée. — G.B. — Valérie Favre, Fragments à la galerie Jocelyn Wolff jusqu’au 3 novembre.
Charlotte Moth — Villa Surprise ••
Charlotte Moth, qui collecte depuis des années des photographies d’espaces construits, urbains ou ruraux, a fait le choix de la sobriété. Deux photographies et deux vidéos dialoguent entre elles pour offrir une exposition singulière qui invite à une véritable réflexion. Distillant un hypnotique romantisme du vide, la Villa Surprise de Charlotte Moth dégage ainsi un charme et une bizarrerie indéniables qui témoignent de sa capacité à habiter comme à mettre en scène l’espace.— G.B. — Charlotte Moth, Villa Surprise à la galerie Marcelle Alix jusqu’au 3 novembre.
The Mystery Spot •
Réunissant une petite vingtaine de pièces, l’exposition collective The Mystery Spot présente des œuvres qui, dans leur majorité, sont de grande qualité et témoignent sans conteste de la valeur intrinsèque de la collection du CNAP. Leur réunion pourtant, née d’une thématique prometteuse, peine à convaincre sur la longueur. Chacune déployant un imaginaire et une réflexion spectaculaires, leur accrochage commun ne parvient à révéler qu’une vision curatoriale éparpillée. Si donc The Mystery Spot se doit d’être visitée, difficile finalement de la voir autrement que comme une sélection d’œuvres aléatoire. — G.B. — The Mystery Spot à la fondation Ricard jusqu’au 22 septembre.
Techno Nature •
Avec Techno Nature, la galerie Zürcher propose une exposition collective rejouant l’inépuisable question des rapports entre nature et culture. Sans tomber dans l’écueil de l’opposition frontale et de la dissertation thématique, quatre artistes répondent ainsi à leur manière sur l’hybridation possible en offrant une véritable réflexion sur l’art, sur la peinture et les accidents de la perception autant que de la représentation. Technique classique, technologie et perception dialoguent dans cette exposition réussie qui parvient à dépasser la dualité pour mettre en valeur la vertu « non efficace » d’une technologie éminemment créatrice. — G.B. — Techno Nature à la galerie Zürcher jusqu’au 13 octobre.
L’Image d’August Strindberg •
En soulignant les paradoxes de l’homme, L’Image d’August Strindberg, exposition organisée par l’Institut suédois, parvient à sortir de la simple présentation biographique en trouvant un angle d’entrée aussi irrévérencieux qu’intéressant. Jouant tout entier sur l’ambiguïté d’un August Strindberg usant de sa création pour s’imposer en tant qu’homme autant qu’il utilise son image pour valoriser son œuvre, l’exposition, du moins dans sa première partie, fait preuve d’un plaisant esprit critique qui n’est pas sans questionner le rapport même des hommes à leur propre image. — G.B. — L’Image d’August Strindberg à l’institut culturel suédois jusqu’au 14 octobre.
Didier Vermeiren à la maison rouge ••
Entre dénuement formel et sensualité en creux, Didier Vermeiren propose une réflexion jalonnée de références à l’histoire de l’art. Les pièces présentées, ainsi que la série de photographies Profils. Cariatide à la pierre, parviennent à extraire l’essence d’un œuvre empreint de rigueur, où point pourtant la lutte du corps et de la matière, où la rudesse s’articule à l’expérience du sensible. Autant d’aspects que restituent cette mise en espace savamment chaotique, favorisant les points de vue multiples et les jeux de miroir. — P.B-H. — Didier Vermeiren à la maison rouge jusqu’au 23 septembre.
Yona Friedman, Le musée de rue •
Le CNEAI, qui anticipe sa réouverture prévue pour le 30 septembre en proposant un parcours dédié à l’architecte Yona Friedman. À ciel ouvert, les œuvres dialoguent avec la charmante île des Impressionnistes et offrent une entrée inédite dans le travail de ce créateur protéiforme. — G.B. — Yona Friedman, Le musée de rue au CNEAI jusqu’au 30 septembre.
Louis Soutter, Le Tremblement de la modernité ••
Peu connue et peu exposée, l’œuvre de Louis Soutter, présentée par la maison rouge, est pourtant un puits de réjouissances. Souvent catalogué du côté de l’art brut, l’artiste n’en est pas moins un formidable reflet de l’histoire de la peinture, empruntant aux classiques comme aux modernes pour imposer dans ses toiles un souffle singulier, celui de l’expérience de la peinture. — G.B. — Louis Soutter, Le Tremblement de la modernité à la maison rouge jusqu’au 23 septembre.
Vincent Lamouroux, Néguentropie
Vincent Lamouroux investit l’abbaye de Maubuisson en questionnant le concept même de l’organisation vitale. Habitué à mettre en scène les utopies modernistes autant que les usages sociaux, l’artiste propose, dans cette monographie inédite, une plongée au cœur d’un espace habité d’une organisation silencieuse et impressionnante. — G.B. — Vincent Lamouroux, Néguentropie jusqu’au 19 novembre.
[media#6877]Gerhard Richter — Panorama •••
La rétrospective du Centre Pompidou consacrée au peintre allemand Gerhard Richter signe un commissariat remarquable et éclaire brillamment les variations d’un œuvre déchirant de subtilité, classique jusque dans l’abstraction. Une esthétique contemporaine par ses codes donc, mais dont la manière et l’esprit restent fidèles à un autre temps. Ou encore, une élégance immanente dont l’incarnation subtile serait celle d’une tradition implicite, intégrée, fondue dans la matière. Car l’accès à la modernité chez Richter se fait dans la perfection, maître mot du classicisme au XVIIème siècle. — L.C.-L. — Gerhard Richter, Panorama au centre Pompidou jusqu’au 24 septembre.
Wim Delvoye ••
Subversion ? À peine. Provocation ? Plus du tout. Wim Delvoye s’est indéniablement assagi. Voire embourgeoisé. Pour preuve, ses cochons tatoués sont ici rhabillés et parés de soie. À se demander même si contrepoint contemporain il y a, tant son détournement fait illusion et se camoufle si bien dans cet environnement précieux. Sa chapelle en acier corten dans la salle d’Anne de Bretagne, semble en effet d’origine. Les touristes admireront son style gothique composite, au même titre et avec le même sérieux que les antiquités du département égyptien. De même que ses porcelaines, même anamorphosées (en torsion) s’accordent parfaitement avec les statuettes de la section des Objets d’art. Wim Delvoye, avec le temps, se fond à merveille dans cet académisme. Et tant pis si l’ironie est perdue, une lecture au premier degré de son travail est désormais possible. Et c’est heureux. — L.C.-L. — Wim Delvoye au musée du Louvre jusqu’au 17 septembre.