
Panorama critique des expositions
Regards critiques, impressions sensibles et analyses ; retrouvez nos instantanés d’expositions au sein d’un panorama évolutif vous invitant à découvrir les artistes et les lieux qui rythment la scène artistique.
The Last Museum — Galerie Poggi
Écho direct à la fermeture en cours du Centre Pompidou, l’exposition The Last Museum présentée à la galerie Poggi propose un parcours exigeant et inattendu autour de la possibilité de survie même de l’œuvre d’art. Par le geste éphémère, par le vide et par l’effacement, les œuvres installent un portrait en négatif de la collection pour dessiner un parcours sobre et subtil où toutes les formes, du dessin à l’installation en passant par le geste conceptuel se toisent et se complètent. Audacieuse et marquée par la figure libre de Brion Gysin dont on apprécie l’hommage appuyé, l’exposition invente ses propre règles pour combler, à son tour, le manque à venir. L.D. En savoir plus
Valentin Rilliet — Galerie Peter Kilchmann
Valentin Rilliet présente à la galerie Peter Kilchmann un ensemble très intéressant de peintures qui fait converser les influences et les traditions, usant avec intelligence de la technique pour faire émerger les souvenirs et imaginaires. Indissociable de l’illustration, son travail en tire une force narrative qui mène, en chaque tableau, aux prémisses d’une nouvelle histoire.
Cette liberté, cette curiosité et cette générosité dépassent cependant la séduction et la légèreté flatteuse de mondes possibles ; en usant de biais et de perspectives toujours audacieuses, l’artiste installe une sensibilité du vertige, contrepoint vertical à l’horizontalité d’une esthétique socialiste traditionnelle, semant le doute sur l’équilibre même de ses représentations. En tension, ses figures, humaines ou imaginaires semblent se débattre avec un monde qui se dérobe sous leur poids ou, à tout le moins, s’apprête à les laisser choir vers un hors-champ mystérieux. L.D. En savoir plus
Mohamed Bourouissa — Galerie Mennour
Bien réalisé mais terriblement symbolique et grandiloquent, le court-métrage de Mohamed Bourouissa au cœur de sa nouvelle exposition à la galerie Mennour travaille la question d’une tension permanente dans la société si intériorisée qu’elle dramatise tout rapport. Assez pauvre dans son esthétique, il opère un contrepoint avec des photographies à l’étage supérieur, plus convaincantes même si pas moins symboliques.
Empruntant à Artaud sa pensée d’une grille comme obstacle mais plus encore d’une violence spectacularisée engendrant une violence intériorisée, l’artiste emprisonne sous une toile tendue des images de fragments de corps dans une esthétique du contraste presque publicitaire. Une ambiguïté qui se fait reflet des sédimentations des blessures et la volonté de les exposer, les suivre et les réifier pour s’en libérer. Ainsi, de généalogie de la violence annoncée dans le titre de l’exposition, le flou du propos brouille toute recherche pour se fondre en une fantasmagorie presque élégiaque. G.B. En savoir plus
Dewar & Gicquel — Art Basel
Avec “Stone triptych with snails, body fragments and sewing machine” présenté sur le secteur Unlimited de Art Basel Bâle, Dewar & Gicquel poursuivent leur entreprise d’archéologie à la renverse en minéralisant l’organique et le synthétique. À travers un tryptyque saisissant de drôlerie et de vertige des inversions, ils piègent nos sens en les heurtant à la représentation imaginaire d’une sensation brutale qui opère comme un délire chimique. Le besoin de toucher ! L’image devient obsession et, dans sa translation vers un objet inamovible par notre seul corps, s’exile de notre monde et rejoint le panthéon des symboles. Une synthèse parfaite qui réinterprète notre désir premier d’idoles et repense, en acte, la transcendance bien tangible de la sculpture. G.B. En savoir plus
Horizontes — Grand Palais
Le Grand Palais assure le minimum syndical en matière d’accrochage et de commissariat pour son exposition Horizontes, succession de cimaises dédiées à quatre artistes peintres brésiliens. Sans véritable liant ni propos curatorial, l’exposition se limite à une sélection dont l’âme repose tout en matière sur la singularité de chacun.
Évoluant de la figuration à l’expressionnisme abstrait, les œuvres d’Agrade Camiz, Vinicius Gerheim, Antonio Oba, Marina Perez Simao, si elles sont légèrement écrasées par l’immensité du lieu n’en révèlent pas moins des détails intéressants, d’abord en matière de couleurs puis ainsi que dans l’usage de la grille et la composition toujours inattendue d’ensembles qui syncopent invariablement la linéarité du format.
Un jeu sur la vertu de l’inattendu et de l’étrange qui se révèle particulièrement dans le travail figuratif d’Antonio Oba et ses saynètes obscures capables d’alterner, avec une efficacité esthétique indéniable, les regards fuyants et frontaux de personnages ou animaux dont on ne sait si la présence tient du réel ou du songe. Une très belle découverte. L.D.
Wolfgang Tillmans — Centre Pompidou
Sidérante, géniale et saisissante, la carte blanche confiée à Wolfgang Tillmans dans les espaces déblayés de la BPI est l’un des plus beaux cadeaux que l’on peut offrir à tous ceux qui y ont épuisé leurs journées. D’une inventivité sans borne et d’une richesse inattendue, cette immense exposition dépasse la monographie pour constituer un geste, une rencontre de l’ordre de la révélation. Tillmans, qui travaille depuis près de trois ans au projet, y explore le monde qui nous entoure autant que les questions essentielles qui le sous-tendent. De la captation physique de l’image à travers les particules de lumière à l’enregistrement d’un regard en pleine recherche dans la bibliothèque, il tisse un lien entre le grand tout et le pur événement local pour composer un vertige kaléidoscopique. G.B.
Hedwig Houben — Bétonsalon
Avec humour et fantaisie, Hedwig Houben invente à Bétonsalon un récit de la main perturbé, dans son déroulé, par la pesanteur de tiges soutenant un doigt. La narration, ainsi portée par un tremblement constant, accentue l’étrangeté d’un membre devenu lui-même étranger à son propre corps.
La drôlerie et l’absurdité du récit ne masquent cependant pas la profonde réflexion d’une artiste qui déploie là une pensée du faire et de l’acte qui résonne dans l’occupation plastique même de l’espace d’exposition. La main, statufiée, pèse le poids de milliers d’années de tradition que supportent à grand-peine des chariots dont la mobilité se réduit à un parcours minimaliste.
Si elle poursuit là sa mise en scène des vies possibles de la sculpture et de leur dialogue imaginé avec leur auteur, cette exposition ouvre une brèche passionnante dans l’histoire de la sensibilité et, en leur greffant un dispositif d’enregistrement vidéo, démultiplie les images possibles d’une conscience impossible. L.D. En savoir plus
Les Moulineuses — Maison des arts de Malakoff
À la Maison des arts de Malakoff, on continue de se figurer des possibilités d’événements en démontant minutieusement la question de l’exposition tout en maintenant une position forte. Avec Les Moulineuses, la présentation actuelle, le travail des femmes est au centre du jeu et décline une réflexion qui échafaude des échos plutôt que des constats.
Là, les luttes s’affichent pour mettre en perspective revendications historiques et enjeux de reconstruction d’une société contemporaine. Un glissement dont la richesse, largement documentée, se met en scène et en espace avec courage et efficacité. Et une inventivité rare. G.B. En savoir plus
Steve McQueen — Galerie Marian Goodman
Steve McQueen réordonne à la galerie Marian Goodman son propre rapport à l’image en dressant dans l’espace une succession de photographies de fleurs à la beauté sidérante toutes issues de variétés autochtones de la Grenade. Derrière le symbole et la séduction, c’est une fois encore la marque de l’histoire que soulève, comme souvent incidemment dans son travail, cette dissection du détail. Si la vanité saute à l’esprit, c’est oublier que McQueen, s’il rappelle l’horreur, est toujours tourné vers la vie.
Chaque espèce constitue alors, tandis que résonne dans l’espace l’effroyable écho de coups sourds assénés à un objet/corps enchainé, le rappel non pas à sa propre mort mais à la possibilité d’une vie. Comme ces drames de l’histoire qui s’effacent et se répètent, la vie refleurit à leurs abords, insolente de beauté. Injuste, vierge de toute marque des histoires que ce paysage a vues, chacune d’entre elles, pareille à une grille pantone, devient le calibre indécent des blessures inhérentes à un monde (et ici à un espace-monde) qui n’est que paradoxe. Comme chaque fois avec McQueen, une immense exposition en quelques gestes… G.B. En savoir plus
Marion Chaillou — Galerie Jousse Entreprise
Marion Chaillou déjoue les rapports d’échelle au sein du white cube de la galerie Jousse Entreprise en y distillant des lucarnes minuscules sur une vie qui se dévoile au plus près du geste de sa recomposition picturale. Les personnalités s’y dévoilent comme des notes de bas de page disséminées sur une page blanche, tandis que les sculptures minimalistes installent un cadre aussi étrange que chaleureux, dévoilant, au cours de l’observation, une parenté plus organique avec le tissu. Détournant l’image, sa fixité autant que sa nature de contenant et de contenu, l’artiste nous tient entre deux mondes personnel et fonctionnel dont on ne peut qu’apprécier le fil, ténu, qui les relie. Une présentation d’une belle radicalité pour une première exposition qui marque et affirme l’identité d’une artiste qui nous engage physiquement au rapprochement. L.D. En savoir plus
Niki de Saint Phalle — Galerie Mitterrand
La galerie Mitterrand présente une exposition dense et historiquement précieuse autour d’une artiste dont elle a accompagné un pan entier du travail, Niki de Saint Phalle. Avec des pièces magnifiques et des créations plus intimes qui nous disent beaucoup de son rapport à l’image, Mythologie explore et fait résonner le bestiaire de l’artiste dans un jeu de dialogue articulant ses pratiques plastiques et leur déclinaison. À travers l’utilisation par l’artiste de figures légendaires, ses allégories et métaphores composent une grammaire de la libération autant qu’une restructuration d’un monde dont elle nous offre une lecture alternative, sensible et contondante. Là, l’extravagance embrasse le viscéral, la peur la plus enfouie s’élance dans une danse enlevée avec l’affirmation d’un corps qui, enfin assumés, sonnent et assomment par leur pure légèreté. G.B. En savoir plus
Bluebird — Dvir Gallery
Dvir Gallery présente Bluebird, une exposition d’une splendide acuité, où les résonances entre œuvres construisent le fil fragile d’une vie empreinte de sa propre fin. Comme une réactivation de la révélation, annonçant dans la vie l’imminence de la mort, Bluebird envisage un contrepied enjoignant à lire dans la destruction la réévaluation de la vie à suivre et d’une liberté à chérir. Jouant de la contrition, de l’accumulation et de l’art de s’affranchir de la grille, les œuvres choisies dialoguent avec une insolente efficacité et structurent dans l’espace les perspectives nécessaires au maintien d’un horizon, à défaut d’un espoir certain, dans les affres mortifères d’une réalité qui, ici, n’est jamais oubliée. Au contraire, c’est sa modulation, son effroyable distorsion qui génère — de même que la silhouette d’un hélicoptère vu de la terre mène à l’abstraction conceptuelle (ou toute symbolique de croix) — la perception de l’impossible. Elle forge cet oiseau bleu aussi fantastique que terriblement nécessaire. G.B. En savoir plus
Mai 2025
Nelson Bourrec Carter — Galerie Alain Gutharc
Nelson Bourrec Carter orchestre à la Galerie Gutharc une méditation plastique autour du pouvoir des images, renversant leur temporalité pour réinventer, sous notre regard, leur propre histoire. Intimité forcément collective d’une mémoire partagée avec le voyage au sein d’une propriété ayant servi de décor au film Jumanji, fantasme mythologique communautaire d’une histoire blessée, reddition forcée de notre présent aux icônes de notre passé, les images de Bourrec Carter flottent comme autant de reflets de souvenirs réinventés, conjuguant romantisme et nécessité de s’armer face à la portée politique des structures de nos imaginaires. L.D. En savoir plus
Le Livre. Objet entre mémoire et symbole — Tornabuoni Art
Chez Tornabuoni Art, le livre devient motif d’œuvres bouleversantes qui l’embrassent, l’étreignent et le magnifient pour en souligner la puissance paradoxale. De l’épreuve du feu à la contrition, en passant par sa fermentation et sa germination, les œuvres de Anselm Kiefer, Chen Zhen, Michelangelo Pistoletto, Pascal Convert, Chiara Dynys (pour n’en citer que quelques-uns) participent d’une ode intense à sa réappropriation plastique. L’ensemble, évitant difficilement une sagesse un peu scolaire (mais difficile de faire autrement), n’en demeure pas moins une proposition passionnante et à découvrir. G.B. En savoir plus
Julio Villani — Galerie RX & Slag
Face au torrent continu de mensonges et de désinformations d’un monde secoué par les crises humanitaires et politiques, Julio Villani déploie une abstraction qui impose sa temporalité et affirme avec force sa distanciation poétique. Une résolution artistique qui recadre le regard en imposant un souffle spirituel et universaliste, équilibrant nature, littérature et esthétique dans un langage plastique qui les transcende. La RX Galerie lui offre un écrin exceptionnel. G.B. En savoir plus
Anne Bourse — Galerie Crèvecœur
Sous le signe de la dualité, l’exposition d’Anne Bourse à la Galerie Crèvecœur se donne dans une transparence qui souligne la frontalité de son travail. Jouant de l’approximation comme d’un ornement, de la fioriture du geste comme d’une manière, la fragilité de son œuvre embrasse la radicalité d’une pratique qui détourne les codes autant qu’elle s’en nourrit. Chacune de ses œuvres constitue un vecteur de réflexion passionnant, réinventant la roue d’un monde de l’apparence qu’elle déjoue et rejoue sur la scène ouverte de la galerie. Ici le double n’est pas un reflet, il est l’ombre nécessaire — mouvante, tant les jeux de lumière se parent d’une belle complexité — qui prolonge les structures, instillant dans la matière même ce mouvement éthéré d’une pensée de l’art libre et frondeuse. Une réussite. G.B. En savoir plus : https://galeriecrevecœur.com
Norbert Prangenberg — Galerie Karsten Greve
Troublante et d’une chaleur inattendue, l’œuvre de Norbert Prangenberg se révèle dans la durée, dans les marques incidemment perceptibles de profondeurs, de superpositions que le peintre inflige à la toile et à la matière. Dans l’exposition à la Galerie Karsten Greve, les céramiques, indissociables, peuplent l’espace pour élaborer un paysage sourd de couleurs et d’intensité, où symboles archaïques se confrontent aux formes organiques. Une pratique à la physicalité essentielle qui cache pourtant une attention à la lumière et à la transparence, sensible à la lecture approfondie. Rien d’étonnant alors à ce que ses petits formats, présentés conjointement, fassent jaillir une incandescente vibration. L.D. En savoir plus
Machiko Ogawa — Galerie Frank Elbaz
Entre minutie extrême et brutalisme assumé, les sculptures de Machiko Ogawa, présentées à la Galerie Frank Elbaz, jouent sur l’illusion et la science pour inventer des archipels univers qui excitent l’imaginaire. Dans un rapport miroir à la terre et au ciel, ses créations absorbent et renvoient la lumière tout en portant les stigmates d’un temps que l’on croirait quantifiable. De pièce en pièce, le regard se perd dans une projection en équilibre entre doute, pesanteur du réel et éther des songes. Un étonnant voyage poétique, rivé à un sol peut-être plus vertigineux qu’attendu. L.D. En savoir plus
Emma Stern — Almine Rech Paris
À la galerie Almine Rech Paris, Emma Stern nous prend au piège de rêves de cuir et de métal revisités à l’ère cyber-organique, synthétique et artificialisée d’une société où le corps est lui-même devenu parure. Flirtant avec le plaisir coupable et prisonnière d’un kitsch sans surmoi, cette ode frontale à l’idéal plastique d’un monde qui rêve de grands soirs instagrammables autant qu’il puise dans la normalité son nouvel idéal de l’épique, l’univers d’Emma Stern fait de la sidération sa meilleure arme. G.B.
Arnulf Rainer — Galerie Lelong & Co.
Arnulf Rainer nous prend par les sentiments en offrant une exposition pensée comme une mini-rétrospective permettant de redécouvrir la trajectoire riche et cohérente d’un artiste qui s’est toujours attaché à donner, à travers une peinture expressive, une autre lecture des images. Des fulgurances informelles des années 1950 aux iconiques surpeintures, 70 ans d’invention se succèdent dans un mélange d’excès et de recouvrement. Le secret des maîtres du passé et des fantômes de l’artiste s’y croisent en une danse picturale vibrante et viscérale. Aussi séduisante que capable de nous tenir à distance, son œuvre alterne subtilement les intensités et laisse entrevoir, à travers des autoportraits précieux, sa réflexion directe et radicale sur une peinture-miroir capable d’exaucer le pouvoir d’emprise des images. G.B.
El fantasma de Tennessee — Galerie Marcelle Alix
Intense en couleurs, foudroyante d’émotions, El fantasma de Tennessee à la Galerie Marcelle Alix déploie un carrousel d’œuvres sensibles dont la fibre mélancolique, démultipliée par leur dialogue, renvoie à l’intensité des illusions perdues. Jusqu’à mener peut-être à notre perdition, à l’image de ce troublant désir mimétique d’un palais de narcotrafiquant, copié sur celui du soap Dynasty, devenu ruine surréelle que documente Laura Huertas Millán. La mélancolie, traitée ici comme membre fantôme nous reliant aux spectres d’histoires que rien ne résout, devient l’antichambre d’une réflexion sur l’ambiguïté du concept, caressant la fracture et griffant la nostalgie. Fabuleusement étoffée par le commissariat d’Ana Mendoza Aldana, qui articule sa réflexion plastique à travers une lecture anglée de l’œuvre de Tennessee Williams, l’exposition déploie un vivier de fulgurances, d’interpellations, d’imaginaires protecteurs et de basculements de registres. Si l’horizon ploie sous la surcharge émotionnelle et formelle des œuvres, l’expérience de la profondeur, des altitudes comme des gouffres offre un vertige qui marquera concrètement la mémoire. G.B.
Orhan Pamuk — DOX Prague
Pour les voyageurs, une très belle exposition d’un visiteur intérieur et intarissable, l’écrivain Orhan Pamuk, qui vit sa réflexion à travers le dessin, la peinture et l’assemblage. Prolongée jusqu’en décembre, l’exposition au centre DOX de Prague, sensible et intimiste, étonne par la densité de sa scénographie. Et si la qualité intrinsèque des œuvres reste secondaire, leur réunion parvient à faire naître une myriade d’émotions inattendues. L.D.
Sabine Mirlesse — Andréhn-Schiptjenko, Stockholm
À Stockholm, Sabine Mirlesse présente à la Galerie Andréhn-Schiptjenko une exposition articulée autour d’une installation in situ dans la mer Baltique. Passant en quelque sorte du nom à l’adverbe, elle renverse la notion d’instrument en donnant à voir des objets fonctionnels qui, ainsi érigés, sondent nos propres gestes de mesure, notre appétence à capter, classer, comprendre le monde. G.B.
Robert Irwin — White Cube
La galerie White Cube offre un moment suspendu avec une exposition inattendue de Robert Irwin, artiste majeur rarement montré en France. Pour ce dernier projet conçu de son vivant, l’artiste américain a orchestré une partition feutrée et intimiste, jouant avec les entrées de lumière en musicien du silence. Pas de spectaculaire ici, mais une mise en scène du contexte : comme dans tout son travail, Irwin privilégie la simplicité de l’évidence au bruit manifeste. G.B.
Kate MccGwire — Galerie Les Filles du Calvaire
Chaque œuvre de Kate MccGwire, présentée à la Galerie Les Filles du Calvaire, émane d’un temps long, d’une extrême patience, et nous invite à porter attention aux plumages des oiseaux ainsi qu’aux milieux naturels que nous côtoyons au quotidien. Une attention à cultiver pour développer notre curiosité et prendre soin de ces milieux, essentiels réservoirs d’une biodiversité que les œuvres de l’artiste ne cessent de révéler. Une exposition d’une sensibilité infinie, qui fait de la douceur le moteur d’une relation réinventée à la nature. P.L.
Guillaume Barth — Galerie Jeanne Bucher Jaeger
Une planète née du sel, du ciel et d’un rêve : Elina, de Guillaume Barth, s’élève sur le Salar d’Uyuni et réunit avec une force rare la rigueur plastique de la forme et l’urgence de penser notre lien à la Terre. Sculpture éphémère, mémoire vive, Elina interroge notre capacité à préserver le vivant par l’art, en proposant une variation réussie autour de la sphère et du cercle, inestimable orbite d’apprentissage que l’artiste continue d’arpenter. Une œuvre-signe puissante et fragile, qui illuminait déjà Art Paris Art Fair, à découvrir à la Galerie Jeanne Bucher Jaeger, dont il faut saluer l’engagement pour des projets dépassant largement ses murs. L.D.
Sarah Crowner — Galerie Max Hetzler
On a été littéralement soufflés par l’exposition de Sarah Crowner à la galerie Max Hetzler : une ode à la matière qui jongle entre chaud et froid pour libérer les intensités plastiques de la couleur. L’ensemble, parfaitement équilibré, confronte des pièces d’une belle richesse accrochées aux cimaises à des formes sculptées dans un accrochage qui renverse la lumière zénithale du lieu. D’une élégance et d’une efficacité indéniables, les œuvres de Tableaux en laine, pierres en bronze élaborent un ensemble convaincant, porté par une simplicité qui fait mouche. L.D.
Avril 2025
Hot Topics — La Maréchalerie, Versailles
Exposition passionnante et riche d’apprentissage à La Maréchalerie — Centre d’art contemporain de l’ENSA-V, à Versailles, où le collectif Fragmentin propose une variation sur le réchauffement climatique en jouant sur les seuils de perception. De l’idée à sa traduction, du fait scientifique au tragique, Hot Topics décline avec pertinence les symptômes visibles d’un monde qui se regarde sans vraiment se voir — sauf sous la contrainte. L.D.
Alison Saar — Galerie Lelong & Co.
Bouleversante et capable de nous prendre à rebours, l’exposition d’Alison Saar à la galerie Lelong & Co. est une immersion fascinante au cœur d’une œuvre d’une richesse rare, révélée ici dans toute sa profondeur. Ample, articulée, elle présente de nouvelles pièces où les formes et enjeux alternent, mettant en scène les marques d’une histoire qui, si elle peut brouiller les regards, ne s’efface jamais. Une proposition forte, lucide et sensible.
Symbiosium #2, Centre Wallonie-Bruxelles
L’énergie de l’exposition Symbiosium #2 au Centre Wallonie-Bruxelles, est de celles qui, d’emblée, sont palpables. Imaginée par les commissaires Stéphanie Pécourt, Christopher Yggdre et Andy Rankin, cette exposition ambitieuse interroge la définition même de l’exposition en intégrant le corps du visiteur comme agent perturbateur. Les œuvres de nombreux artistes composent un espace en mouvement où le temps devient variable plastique. Un parcours où l’on s’échappe et se greffe tour à tour, pour mieux appréhender le vertige de notre réalité. G.B.
David Hockney — Fondation Louis Vuitton
Impressions contrastées à la sortie de l’exposition événement David Hockney à la Fondation Vuitton , malheureusement moins ambitieuse qu’annoncée et surtout moins convaincante qu’espérée, quelques années après deux très belles présentations de l’artiste au Centre Pompidou et au musée Granet. Le commissariat laisse s’effriter le propos de 25 années pourtant prolifiques, réduites ici à un autoportrait touchant mais largement incomplet, peu réflexif sur une pratique ni remise en question ni, plus étonnant encore, mise en perspective ou en résonance avec les expérimentations continues de l’artiste tout au long de sa carrière. L’ensemble du parcours, supervisé par l’artiste lui-même, ne laisse aucune place au doute ou à la remise en question, nivelant les différences et plaçant chacun de ses projets sur le même plan. Sans hiérarchie ni critique, c’est l’œuvre elle-même qui semble sombrer dans une inoffensive évidence, transformant la figure de l’artiste, autrefois radicalement avant-gardiste, en une icône consensuelle. Sa peinture, dépouillée de sa matérialité, glisse alors, sous les acclamations générales, vers une forme d’illustration. Un délit d’initiés dont seuls ses proches et les fins connaisseurs de son œuvre pourront se satisfaire, mais qui n’offre qu’un point de vue biaisé sur une démarche qui mériterait d’être confrontée à son audace pour en révéler toute la portée. Seule satisfaction, le grand mur des peintures historiques qui le hantent… G.B.
Rien que la vérité, KADIST Paris
À la galerie Kadist Paris, l’exposition Rien que la vérité interroge finement notre rapport au réel en mêlant engagement, érudition et un décalage constant. Le médium vidéo, au centre du parcours, devient un vecteur de réflexion entre gravité et légèreté. Le choix des œuvres, audacieux, offre un espace de pensée stimulant, où se croisent visions critiques et oniriques. Une proposition dense et brillante portée, entre autres, par Mathieu Kleyebe Abonnenc, Bahar Noorizadeh, Ghita Skali, Mercedes Azpilicueta… Rien que la vérité, oui — mais aussi beaucoup de mouvement, de pensée, et d’émotions. G.B.
Joie collective, Palais de Tokyo
Le Palais de Tokyo déploie, avec Joie collective — Apprendre à flamboyer, une exposition qui, derrière la superbe de son programme et de ses ambitions, se heurte au vide de ses propositions et à la légèreté des démarches de ses créateurs. Son engagement, sans jamais se voir formulé autrement que par l’incantation et les signes de connivence, ne donne jamais prise à l’altérité, et se fond dans un cercle qui réjouit ceux qui le partagent, mais reste hermétique à ceux qui mériteraient de l’entendre… Du spectaculaire qui ne fait spectacle que pour ceux qui le réalisent, les formes d’extériorisation deviennent ici des forces-miroirs, réduites à l’affirmation de soi (ce qui est positif), en délaissant le ralliement aux autres (ce qui est mieux). Las, les rares œuvres appelant à la communauté d’une réflexion et à la collectivisation d’une pensée sont reléguées au second plan et s’étouffent sous les excès ludiques d’autres égos, amenant infailliblement une multitude de contradictions au sein même du parcours… Un nouveau raté pour le Palais, qui ne parvient pas, derrière cette joie qui s’affiche, à cacher le vide qu’elle creuse dans la lecture d’un art contemporain qui ne tient plus par ses œuvres seules et ne vit que par sa communication — et, finalement, de manière plus problématique, son invitation à chacun de vivre sa propre médiatisation comme un acte artistique. G.B.