Paris Plus par Art Basel, 2022
Ce n’est plus la FIAC mais ce n’est vraiment pas loin… Du 20 au 23 octobre se tient au Grand Palais Ephémère la foire Paris Plus par Art Basel.
Alors Paris Plus 2022 semble tout faire pour rappeler à sa cible, les professionnels et collectionneurs, les grandes heures d’une scène parisienne toute puissante alliant avec élégance le classicisme d’un art moderne majeur et une création contemporaine sérieuse expérimentant avec bonheur les limites de médiums qui les obsèdent. Si le passage d’une administration d’ampleur, Art Basel et son « portefeuille » de collectionneurs apporte un souffle qui semble bénéficier aux galeristes présents sur cette édition, de nombreuses questions subsistent.
À commencer par celles des promesses de l’administration Art Basel elle-même, ayant remporté le marché et supplanté la FIAC en promettant de nouvelles convergences entre les arts plastiques et les autres domaines de la culture, le cinéma, la musique et la scène. Il n’en est rien et, compte tenu du temps imparti pour l’organisation de la foire, il ne pouvait en être autrement. Reste que cette promesse impossible, ce mensonge s’apparentant plus aux nouvelles techniques de prise de position sur un marché, engageant des paris intenable à seule fin d’obtenir l’hégémonie pour distribuer par la suite les miettes de ses projets passe difficilement dans un monde de l’art qui n’est pas un secteur si enclin à se voir « disrupter ».
Faut-il voir un lien de cause à effet avec le sort de la majorité des journalistes, contraints d’attendre l’ouverture générale de l’événement et empêchés de le parcourir en amont et dans le calme pour publier leurs impressions en temps souhaitable ? Il semble que, plus que la crainte de la qualité, l’organisation soit soucieuse d’un effet masse, d’une réussite de fréquentation qui supplante toute marque éditoriale.
De cause à effet encore et surtout l’absence criante de toute prise de position où soutien aux scènes artistiques ukrainienne et iranienne, dont l’actualité brûlante aurait permis un engagement bien compréhensible. Aucune aide, aucun mot, cette éclipse fait largement tâche dans un domaine qui, s’il n’a que peu de pouvoir effectif, garde une portée symbolique et une influence majeure sur le long terme.
Car Paris Plus impose la plus grande normalité à un temps qui n’a pourtant rien de stable. Il faut alors lire entre les lignes, aller au plus près des œuvres pour percevoir la dialectique de l’angoisse et de l’impossibilité d’une telle innocence. Une réalité tangible dans cette masse d’œuvres qui, cela reste incontestable, fait grande impression et marque par la qualité de sa monstration ; les galeristes eux-mêmes semblent avoir restreint leur panel de noms pour offrir, dans de nombreux cas, des accrochages cohérents qui forcent l’admiration.
Sans souci d’exhaustivité, nous relèverons la très haute tenue des galeries (parisiennes notamment) avec les stands somptueux de Loevenbruck (armé d’une installation de Jakob Lena Knebl & Ashley Hans Scheirl dantesque, d’un superbe Philippe Mayaux et de toujours convaincants Dewar & Gicquel), le classicisme aventureux et étonnant de Lelong & Co. (les photographies vertigineuses de David Hockney, un fantastique tableau de Ficre Ghebreyesus), la force des œuvres chez Crousel (notamment un fantastique sculpture de David Douard), un stand Marian Goodman à la hauteur du statut de ses artistes, l’art ravageur et frontal chez Semiose, le flair conceptuel de mfc-michèle didier avec la belle série de Suzy Lake, la radicalité incroyable du stand d’Edouard Montassut, la subtilité des dialogues entre contemporains et « modernes » chez GP & N Vallois, la fantasque et néanmoins séductrice post pop de la galerie Air de Paris, l’explosivité du stand d’Eva Presenhuber, l’obsession canine chez Chris Sharp, la figuration somptueuse chez Almine Rech, la violence sourde d’Albert Oehlen et l’histoire en marche de Giulia Andreani chez Max Hetzler et la brillante alchimie des contraires chez Jocelyn Wolff.
Ce sont donc les œuvres, les artistes et l’intelligence de leur monstration qui sauvent cette foire et si l’on est heureux que les galeristes y trouvent leur compte, il sera définitivement temps que Paris Plus s’ouvre à tous les publics, qui méritent de s’y confronter.