Sean Scully — Galerie Lelong
Réalisées entre 2008 et 2014, les peintures monumentales « Doric » constituent certainement l’une des séries les plus emblématiques de Sean Scully. Leur accrochage à la galerie Lelong permet de les appréhender dans un rapport de proximité exceptionnel, découvrant une certaine intimité malgré leur grande dimension (environ 4m x 2,8 m) et révélant, en laissant filtrer la lumière du jour au cœur de l’espace, leur fantastique pouvoir de rayonnement.
« Sean Scully — Doric », Galerie Lelong & Co du 15 mai au 11 juillet 2014. En savoir plus Hommage à la sobriété essentielle de l’ordre dorique, la série Doric de Sean Scully fait revivre la majesté évidente des temples grecs, de leurs colonnes caractéristiques, dépouillées de tout ornement mais portant en elles une beauté paradoxale ; ces odes à la verticalité, à l’élévation, sont parcourues de lignes horizontales comme autant de veines d’une chair minérale que seul l’empilement permet d’ériger. De ces trésors du patrimoine, Sean Scully dévoile, dans ses compositions picturales, la tension essentielle, jouant à son tour avec ces lignes, leurs pleins et les vides qu’elles dévoilent.Témoignage d’amour autant que réappropriation, s’il est bien question d’ordre dans la peinture de Sean Scully, c’est de celui, intime et secret, qui unit, par l’infini, les couleurs entre elles. En ce sens, on pourrait voir dans la peinture de Scully, bien plus qu’une utilisation ou un ordonnancement, une offrande faite à la couleur, un horizon qu’il dégagerait pour la laisser s’y épandre, s’y réfugier et vivre, entre ombre et lumière. Un ordre imposé par la couleur en quelque sorte, face auquel le peintre n’aurait d’autre choix que de se soumettre. C’est peut-être ce que suggèrent les croquis presque pudiques dans leur dépouillement face à ses tableaux monumentaux. Sur des feuilles blanches, les lignes de charbon dessinent des quadrillages imaginaires, alternant pleins et vides pour installer autant d’espaces de jeu et d’imprévisible. Loin donc de les contraindre, Sean Scully offre aux couleurs un « moment » de liberté, ce temps de la peinture qui fait corps pour précisément le suspendre et maintenir, dans sa vibration continue, le battement incessant de sa vie secrète. C’est que, dans leur renouvellement, dans leur variation tout comme dans les échos visuels qu’elles émettent, les Dorics révèlent leur profondeur antique, ce fonds universel fait de la rencontre du sable et de la pierre, du souffle de l’inspiration sur la majesté du sol antique.
Verticalité et horizontalité se mêlent pour laisser la couleur advenir, découper et trancher l’espace en y distillant son pouvoir de luminosité et d’ombre aussi bien que sa profonde charge émotionnelle. Alors, au plus près de la toile, la matière se fait vibrante, vivante et exerce un magnétisme dépouillé de tout pouvoir. De leurs différences, les couleurs découvrent des formes d’ancêtres communs, faisant émerger, à travers leur rencontre, des lignes hypnotiques de flottaison où se joue toute l’incertitude de la création.