
Ambroise&Victor — Labanque, Béthune
Labanque présente une exposition élégante qui joue sur la séduction des formes afin d’instaurer un dialogue fructueux entre l’homme et la nature. Comme le disait Victor Hugo, « rien n’est plus imminent que l’impossible », et c’est bien sur cette lisière que s’aventurent Ambroise&Victor : celle où l’art réenchante le réel et où la rigueur du savoir cède un instant à la magie du regard.
« Ambroise&Victor — Intérieurs », Labanque du 6 mars au 5 octobre. En savoir plus En parallèle des discours scientifiques dont l’urgence et la précision ne suffisent malheureusement pas à toucher l’ensemble de la société, leur vision artistique, bien que tout aussi documentée, opère un détournement malicieux et sensible qui interroge notre rapport à l’environnement. Détournant, compilant et raboutant les modes de représentation scientifique, artistique, voire iconoclaste, les deux artistes inventent un bestiaire dont la seule logique systématique réside dans leur volonté de réinvention et leur passion pour la forme, qu’ils poussent vers de nouvelles frontières, entre familiarité et étrangeté.Un art du saisissement qui prend corps dans l’espace grâce à une scénographie bien pensée : d’abord dans le contraste vif entre le noir et blanc limpide des œuvres en deux dimensions et la richesse plastique d’un intérieur bourgeois. Chacune de leurs interventions s’apparente à une rupture joyeusement déroutante, une anomalie à explorer comme un clin d’oeil aux hybridations du monde naturel. Leurs systèmes organiques oniriques créent ainsi des ponts improbables entre végétal, viscère et cosmos, renforçant cette impression de mouvement perpétuel. Car ici, rien n’est figé, ni le trait, ni le regard.
Dans les espaces de Labanque, leurs constructions marquent immédiatement par leur audace dimensionnelle. Qu’il s’agisse d’une échelle réaliste, d’une monumentalité assumée, d’un hyperréalisme ou de raccourcis symboliques, leurs œuvres multiplient les contrepieds pour orchestrer une chorégraphie du regard où ce qui se passe sous nos pieds n’a rien d’étranger à ce qui nous surplombe. Où l’envers embrasse l’endroit.
Ainsi, ces installations dévoilent des profondeurs inédites, en strates plutôt qu’en volume, laissant deviner des plans sous-jacents qui, même invisibles, renforcent la logique de ce qui se révèle. Un art du décalage dont le duo s’est fait maître, glissant subtilement des plans de réalité par-dessus les évidences attendues. En déplaçant leur bestiaire au sein d’intérieurs protégés, Ambroise&Victor exploitent avec malice le trouble d’un ordre naturel (et social) qui se répète dans la question du regard. La méticulosité du trait et la virtuosité des reproductions prennent ici une résonance symbolique dans le miroir qu’elles tendent à nos visages. Qui de nous scrute l’autre ? Sous les yeux placides de l’animal, la parade est bien humaine.
Si l’ambition initiale des artistes est de « faire sortir le dessin du papier », il s’agit véritablement de repenser la frontière entre le dehors et le dedans. À travers ces constructions plastiques, ils questionnent notre usage et notre perception de l’animal, ce qu’il reflète et ce qui bat en lui. Comme ce contre quoi nous-même devons nous battre ; l’immobilisme.