
Arnaud Labelle-Rojoux — Galerie Loevenbruck, Paris
À la galerie Loevenbruck, Arnaud Labelle-Rojoux joue avec les mots comme on compose un joyeux paysage : par fulgurances, dans un élan ludique et un plaisir régressif du partage immédiat. Mais chez lui, l’instant s’inscrit dans la durée. L’aphorisme devient légende — au sens photographique — d’un réel saisi à vif, et retourné sur lui-même.
« Arnaud Labelle-Rojoux — C’est écrit dessus ! », Galerie Loevenbruck du 28 mars au 31 mai. En savoir plus Dans l’espace d’exposition, l’artiste déploie une succession d’aphorismes avec la radicalité et la frontalité d’un geste performatif. En renonçant, le temps d’un acte, au recours à l’image, il investit la scène de la galerie d’un ensemble inattendu où humour et gravité, légèreté et sérieux s’entrelacent. En écho, une discussion passionnante avec Bernard Marcadé prolonge la réflexion. Elle explore la portée de cette pratique et l’articule au reste de l’œuvre de l’artiste. Le résultat : un dispositif manifeste de la gaudriole, frontal, mais plus fragile qu’il n’y paraît. De ses failles, de ses doutes, de ses choix, Labelle-Rojoux dévoile une part de son esprit — et rappelle que tout geste artistique porte en lui une dimension essentielle de jeu.Comme les lettres se relient, l’intime et l’invitation cohabitent ici dans une proposition qui, loin de toute posture autoritaire, assume pleinement l’acte individuel pour mieux composer un collectif singulier. Car si cette œuvre verbale semble évoluer en parallèle de son travail d’image, elle en est peut-être le miroir. Elle suspend les habitudes, détourne les automatismes pour réinventer une relation à l’œuvre plus immédiate, mais pas moins profonde. Derrière le mot d’esprit, derrière cette façon de faire chavirer la langue commune et ses expressions consacrées, se cache une variation de la notion de « spirituel ». Le mot devient polysémique, le bon souffle une pensée libérée. La lettre peinte, exposée, devient un outil de réflexion et de doute, pleine d’esprit. Un écho non dénué de sens à la genèse même de ces aphorismes, nés lors d’une résidence de l’artiste entre les murs d’une abbaye.
Alors consacrée à la question du temps, cette forme écrite devient un jeu subtil de substitution : à la construction narrative de l’histoire se substitue l’évidence d’un tout. Ici, la phrase est image. Non pas seulement parce que le réel a besoin de slogan, mais surtout parce qu’elle provoque ce que cherche l’artiste : une « simultanéité entre le voir et le rire ».
Dans la répartition spatiale de ces fragments — fulgurances, constructions minutieuses ou épiphanies (et peut-être tout cela à la fois) — se dessine le spectacle mystérieux de la machine cachée : l’esprit censé le produire. Sans artifice, le spectacle se fait grave et le mot devient écran. Il se donne à voir pour ce qu’il est, et affirme sa puissance. Ne pas se prendre au sérieux devient ici un jeu, mais aussi un acte éthique, une revendication à lire et à voir. Simultanément peut-être. Manifestement surtout.