
Studio Conversations — Galerie David Zwirner, Paris
La galerie David Zwirner présente Studio Conversations, un dialogue artistique tout en subtilité et en finesse qui laisse la part belle à des sensibilités picturales reliées par une mise en perspective d’un réel bien concret et de la tension vers son échappée.
En engageant la rencontre de trois jeunes artistes (Christine Safa, Nino Kapanadze et Jean Claracq) avec des figures tutélaires qu’eux-mêmes ont nommées (respectivement Suzan Frecon, Mamma Andersson et Marcel Dzama), l’exposition menée par la commissaire Anaël Pigeat offre un triptyque initial qui se mue en un sextet magistral où les regards se répondent de manière enchanteresse.
Elle donne surtout naissance à des échanges passionnants, compilés dans la documentation qui accompagne la visite. Une simplicité presque étonnante tant ces écrits sont précieux et révèlent une part décisive de chacun d’entre eux. A rebours de l’entre-soi et de la seule affinité affective, la mise en dialogue de ces œuvres impose sa cohérence par la forme même de son rythme, par l’intensité des territoires que s’autorisent a explorer et à exposer, dans un contexte plus ouvert, les artistes invités. Des perspectives intimes et inédites sur leur travail dont on découvre, en miroir, des facettes inattendues. Aussi magistrales qu’humbles, les œuvres de chacun d’eux installent une atmosphère éthérée au souffle poétique où masques, formes et figures humaines se mêlent au spectacle simple et silencieux du monde. Partout flotte l’admiration de ces peintres pour la lumière, partout où presque il est question de lune, de soleil, d’ombres et d’arbres. Et du regard qu’on leur porte.
Un monde idéal en quelque sorte où la filiation, choisie, passe par l’échange et s’affranchit de toute autre responsabilité que celle de faire vivre la création, par les expériences qui les accompagnent et les secrets qui en font excéder le cadre. Délicatesse, sensibilité et affinités électives concourent à faire naître des intensités inédites à la force d’autant plus grandes qu’elles s’émancipent de velléités spectaculaires. On entre à plein ici dans des démarches au long cours dont on apprécie, même hors d’une thématique dirigée, l’abrupte évidence. La fantaisie s’allie aux songes contrastés (Marcel Dzama), le réel se pare de surréel à travers l’ombre d’un masque (Mamma Anderson), le corps immobile s’évade en un allégorique voyage (Christine Safa), la ville devient jardin d’Eden et des possibles pour qui sait d’où la regarder (Jean Claracq), la matière peinture rayonne avec la force d’un astre (Suzan Frecon), le paysage urbain, enfin, s’écoule en un théâtre de spectres (Nino Kapanadze). Autant d’expériences sur le vif (et ne constituent pas une liste exhaustive) qui redéfinissent la portée du “pouvoir” de la représentation.
Abstraction et figuration, réalité et rêves, observation aiguisée et imaginaire cohabitent ainsi avec une superbe porosité qui parvient, dans le choix curatorial radical de l’épure, à faire vivre autant de moments suspendus à l’imaginaire d’un artiste l’autre, reprenant à son tour et comme à la volée d’une conversation devenue universelle, la trame de notre conscience pour la filer vers d’autres ailleurs.
Studio Conversations, David Zwirner, Paris, 108, rue Vieille du Temple, 75003 Paris — Du 1er avril au 24 mai — Du mardi au samedi de 11h à 19h