Bourlesque — Galerie municipale Jean Collet, Vitry
Sous l’égide du regard louche de Toulouse-Lautrec, l’exposition “bOurlesque” présentée à la galerie Jean-Collet de Vitry présente une cinquantaine d’œuvres jouissives venues de tous horizons qui démontent les codes et attendus du bon goût et de la belle représentation.
« bOurlesque », Galerie municipale Jean-Collet du 20 mars au 30 avril 2016. En savoir plus Si l’esprit de bOurlesque est ainsi placé sous le signe de la liberté et de la galéjade, nulle facilité ici et la présentation, généreuse et menée avec intelligence, fait presque figure de manuel du détournement et de l’appropriation. De notre corps humain périssable, voué à chercher sans fin la durée, voire l’éternité, bOurlesque fait le terrain d’une expression nouvelle. Privé de son centre de gravitation, l’homme devient une figure ridicule, simple amas de chair dont il est urgent de repenser la fonction. Cette même chair qui devient l’origine de la parole, à l’image des formidables masques de Philippe Mayaux qui, en récitant de manière incantatoire des promesses d’un engagement éternel, l’amour, renversent radicalement la notion de masque, dont chacun est ici constitué d’éléments emprisonnés d’ordinaire au sein du corps. Du jeu de dupe mondain, le masque devient ce qui joue l’homme et en révèle, plus qu’il ne la dissimule, sa duplice vérité. Ainsi projetées face à leurs propres vanités, l’exposition va multiplier les attaques en règle contre nos valeurs, de l’engagement patriotique chez Rémi Boinot et sa fantasque interprétation de la fameuse marche rouge aux stratégies de communication dans le dialogue absurde et décalé de Francis Montillaud.L’homme devient un terrain de jeu, un outil ridiculisé et mis en danger par ses propres évidences, à l’image des photographies d’Anna & Bernhard Blume qui mettent en scène un protagoniste à l’équilibre précaire dans un environnement parfaitement neutre, installant une bizarrerie qui va au-delà du simple décalage. Ce sont ailleurs les questions de répétition et de tautologie qui se posent avec l’observation des gestes simples d’Anthony Duchêne qui fait de l’évidence un catalogue raisonné, mais aussi la transposition de l’acte humain par des gâteaux au sein des peintures drolatiques et bigarrées de Peter Saul qui nous plongent au cœur d’un monde géré par ce que l’on ingère.
Le parcours, plein de trouvailles et de découvertes du même acabit déroule ainsi avec une belle rigueur son petit musée des horreurs qui dessine la partition d’une joyeuse farandole de notre absurde réalité. À travers tous les médiums, les illustrations des limites de notre corps, mais aussi de notre dignité, ce qui fait de notre chair un corps social, chahutent dans une belle cacophonie les convenances que tant d’années sont parvenues à élaborer pour mieux en révéler l’absurdité, mais plus encore la relativité. Car finalement, cette accumulation de détournements, de caricatures et d’outrages ne sont que des coups légers qui permettent, en soulignant leur réalité, de faire vaciller nos peurs, nos doutes et nos attendus pour, d’un simple écart, renverser toutes nos certitudes.
On l’aura compris, cet œil interlope de Toulouse-Lautrec, dont la photographie constitue le centre de gravitation de “bOurlesque”, n’a rien de la tutelle bienveillante, il annonce l’ouverture du bal des fous autant qu’il illustre le nécessaire étonnement qu’un tel déploiement fait naître. Car à ce jeu, inutile de dire que personne n’est préparé, chacune des œuvres confrontant avec bonheur sa belle singularité, la cohérence ne se révélera qu’à celui qui saura, sans biais, les regarder bien en face.