Faits divers — Mac Val, Vitry-sur-Seine
Radicale, forte et percussive, l’équation à multiples inconnues de l’exposition Faits divers du Mac Val joue de la stupeur et du quotidien pour révéler, à travers l’art, des événements que le récit et la mise en avant portent au statut de stigmates de sociétés qui trouvent là matière au doute.
« Faits divers — Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse », MAC VAL Musée d'art contemporain du Val-de-Marne du 15 novembre 2024 au 14 avril 2025. En savoir plus Des perspectives troubles qui, malgré leurs tendances morbides, demandent à être mises en action et parcourues de manière active pour se révéler, au fil de l’enquête, plus fertiles qu’elles ne semblent. Avec une sélection d’œuvres fortes marquées par les signes du temps, faisant appel ou obéissant à des techniques modernes de l’ère industrielle (photographie, vidéo, peinture sur support projeté), la question de l’image, en tant que représentante fidèle du réel est au cœur du parcours. Autour de chapitres d’une belle pertinence intellectuelle, les œuvres choisies entrent chacune dans un défilé des possibles qui entretient la tension d’un fil aigu et exigeant. Si elle est littéralement pensée pour le plus grand public, l’exposition Faits divers n’en attend pas moins un certain investissement pour suivre les modulations de ces mises en fiction de nos histoires.Car l’imagerie du fait divers, elle aussi, contribue à façonner le langage visuel d’artistes. Les œuvres historiques de personnalités majeures de l’histoire de l’art côtoient des travaux moins célèbres avec bonheur. Toutes participent sur un pied d’égalité à un propos commun, une enquête dont les signes attendus (jeux d’ombre et de lumière, tirages photographiques à la définition approximative, coupures de journaux, reconstitutions poussives, etc.) n’éliminent jamais la surprise. Les régimes symboliques tressautent à chaque proposition, cachant à l’envi gravité profonde, facétie ludique ou ambiguïté indépassable. Divers comme les faits, les sens sont travaillés à l’aune de cette polyphonie polysémique où les sirènes de l’étrange et du fantasme partagent l’affiche avec leurs homonymes plus concrètes, celles de la police venant bien souvent sanctionner toute dérive définitive.
D’une prégnance initiale de la morbidité se décante un faisceau de perspectives de pensée dont les singularités, loin de coordonner un propos univoque, joue de l’aléatoire et de l’infinité possible de son sujet, le « fait divers », pour prouver sa vivacité. Car s’il est question d’enquête, le fait divers est surtout ce que les observateurs du quotidien choisissent de donner à voir. Rangé parmi les « impondérables », il n’en demeure pas moins ce qui se raconte (ou se conte), constituant la bibliothèque en actes d’une somme de conduites dont la résolution marque par sa rupture avec la normalité.
Un miroir, peut-être en ce sens, de l’œuvre d’art et sa propension au fracas de l’ordre et désordre attendus pour imposer son alliage de forme avec d’autant plus de force qu’elle se donne comme seule. Et un écho ultime à la vision de Barthes, dont le texte « La structure du fait divers » est à l’origine de la présentation, cette assertion que le fait divers ne dit rien du réel. Pour autant, il contribue à en façonner ce qu’on peut en dire.
Ainsi, à travers un parcours d’une belle audace formelle dans sa dureté, où les œuvres se mêlent autour de pièces à conviction qui les reflète, Faits divers défie les conventions dans un jeu de pistes, toutes uniques qui, ensemble, font définitivement œuvre commune.